« Concernant les parties intéressées constitutives de l’entreprise (actionnaires et salariés), contrairement à une antienne en matière de RSE, le reporting ne sert pas à identifier des risques et à en assurer le suivi. En effet, les entreprises qui identifient un facteur de risque social ne fournissent pas toujours une information sociale de qualité sur ce sujet. Les informations publiées au titre de la RSE n’auraient donc pour seule finalité que la conformité à la réglementation. Le fait que les sujets les moins consensuels soient après dix années toujours les mêmes signifie-t-il qu’en l’absence de sanction prévue dans la loi, les entreprises se jouent de la réglementation choisissant les sujets sur lesquels elles fournissent une information correcte et négligeant les sujets les plus sensibles ?
Autre illustration, l’absence d’information sur la manière dont les directions d’entreprise mettent en œuvre le devoir de vigilance, vigilance requise dans la plupart des « standards » internationaux qui ont trait à la RSE (Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des multinationales, ISO 26000…), vigilance qui est un réflexe en matière financière (technique des due diligences). Alors que la plupart des entreprises sont inquiètes pour leur réputation et identifient le développement des réseaux sociaux comme un facteur de risque, à de rares exceptions, elles semblent bien en peine de produire une information signifiante en matière de droits de l’Homme et/ou sur les sujets peu consensuels. Il n’est pas ici question de minimiser la complexité du reporting à l’échelle d’un groupe multinational. Les directions d’entreprise de ces groupes multinationaux opèrent dans des environnements complexes. Mais les outils de prévention existent, les connaissances de certaines parties intéressées en matière de droits de l’Homme sont avérées. Sur les sujets sociaux, la présence de représentants de salariés indépendants, l’encouragement de la liberté d’association ne sont-ils pas les premières mesures de diligence raisonnable comme la Clean Clothes Campaign qui réunit syndicats et ONG, la Confédération syndicale internationale, et deux fédérations syndicales internationales le suggèrent ?
En matière de respect des droits au travail et à l’extérieur de l’entreprise, les limites à la production d’une information de qualité ne sont pas seulement techniques. Elles semblent plutôt de nature « culturelle », la communication sur les doutes, les lacunes, les mauvaises pratiques n’étant pas valorisée. La RSE étant une démarche de progrès continu, l’identification de mauvaises pratiques relève de son essence-même. Le reporting ne ressort pas d’une démarche expiatoire mais d’une nécessité, celle de mettre en cohérence les discours sur papier glacé avec certaines informations qui arrivent du terrain, de réfléchir aux conditions du dire vrai pour les entreprises au sein de la Cité… »
Photo : Virgine De Ruyt (site EuropeAid)