Leadership Féminin dans l’Economie Africaine : portrait de Massogbe Toure Diabate, PDG du groupe SITA

11 juin 2018 - www.RSE-et-PED.info - Emilie Cloutour

RSE et PED est allée à la rencontre de Massogbe Toure Diabate, femme entrepreneure ivoirienne. Découvrez le portrait d’une femme leader africaine.

 

Bonjour Madame Touré Diabaté, pourriez-vous dans un premier temps vous présenter ainsi que votre parcours ?

« Je m’appelle Massogbé Touré Diabaté fondatrice du groupe SITA qui a maintenant 30 ans. J’ai fait mes études en Côte d’Ivoire.  A l’occasion de mon premier poste, j’ai eu l’opportunité de partir en mission à Madras, en Inde. Ce voyage m’a permis de me rendre compte de l’opportunité économique que représentait la noix de cajou. Ce fruit à coque, très présent et valorisé en Inde, ne l’était pas en Côte d’Ivoire. En effet aucune entreprise en Côte d’Ivoire n’exploitait la noix de cajou., alors que des milliers d’hectare d’anacardiers avaient été plantés dans les années 60 et 70’s dans le cadre de la politique nationale de reboisement et de protection des sols. Economiquement la Côte d’Ivoire était à cette époque, et l’est encore quelque peu aujourd’hui, tournée vers une agriculture, principalement rizicole et donc très sensible aux   aléas climatiques.

L’aventure commença donc avec seulement 5 hectares de plantation d’anacardes sur ma propre parcelle. Il m’a fallu 4 années de patience pour faire émerger la conscience de l’opportunité économique que représente l’anacarde, accompagnées bien entendu de formations et de sensibilisations pour en faire comprendre son enjeu. »

 

Pourriez-présenter votre activité Société Ivoirienne de traitement d’anacarde ?

« Notre société était axée jusqu’à 2000 autour de la seule production d’anacardes. C’est seulement après que nous sommes passés à la transformation industrielle du produit afin de pérenniser l’activité. Notre société est novatrice dans son secteur en ce qu’elle fut la première à lier production et transformation de la noix de cajou en Afrique de l’Ouest. »

Comment persuader les gens de suivre ?

« Personne ne croyait à ce projet. Il a fallu donner les arguments nécessaires. Aujourd’hui nous avons plus de 150000 hectares de terrains de production d’anacardes. C’est en quelque sorte l’avènement de la noix de cajou !  Nous exportons à l’international, principalement vers les Etats-Unis et dans les Pays du Golfe. »

 

Pourquoi et comment avez-vous décidé de devenir entrepreneure ?

« A priori la fougue de réussir !   Je suis née et j’ai grandi dans un environnement difficile où personne n’était favorable à l’entreprenariat car issu de parents eux-mêmes entrepreneurs ils ne se serait occupé de mon propre développement social. Donc quand l’opportunité s’est présentée, je l’ai saisi et je me suis mise au travail avec le soutien de mon entourage. Je n’ai aucun regret aujourd’hui. »

 

 

Comment s’est passé votre parcours en tant que porteuse de projets ? (Avez-vous été accompagnée ?) Avez-vous rencontré des difficultés et si oui lesquelles, en particulier liées à votre statut de femme et à votre couleur de peau ?

« Je n’ai pas souligné de réelle différence dans le fait d’être une femme. Je me suis seulement donné les moyens de réaliser mon projet. J’ai transformé mes difficultés en forces. Les difficultés que j’ai rencontrées n’était pas liées à mon statut de femme, mais plus liées à l’activité choisie. Projet novateur dans le secteur de la production, qui est majoritairement masculin je vous l’accorde.  Avec mon activité je suis en quelque sortie du cadre classique de « femme entrepreneure » en Côte d’Ivoire étant la seule à proposer ce type d’activité.

Pour ce qui est de ma posture à l’International je n’ai pas non plus ressenti de réticence du fait que j’étais une femme, il a seulement fallu que je fasse mes preuves en tant qu’entrepreneure afin qu’on me fasse confiance. Il faut avoir la passion de réussir et la volonté de matérialiser ses ambitions. »

 

Passons à des choses positives, quelle a été votre plus grande réalisation, fierté dans votre parcours ?

« Je suis très fière de voir qu’il y a des forces leaders aujourd’hui dans mon activité. Beaucoup de personnes ont donné de leur temps pour élever SITA. A force de travailler ils ont élevé le pays au rang de plus grand producteur et exportateur mondial de noix de cajou.

Nous avons travaillé dur pour qu’il y ait un retour sur investissement et que ce dernier aille aux producteurs agricoles. Notre prochain défi est d’internaliser davantage la transformation du produit pour que le travail et le pouvoir d’achat reste en Côte d’Ivoire.

Pour le moment nous transformons une partie de la production en interne, et le reste est exporté à l’état brut à des fins de transformations. SITA est aujourd’hui composé de 800 salariés et nous aimerions multiplier ce chiffre dans tout le pays, que cette synergie passe de la ville au milieu rural. »

 

Est-ce que vous avez une figure inspiratrice ?

« Winnie Mandela qui a n’a rien obtenu sans souffrir, qui s’est battue pour tout obtenir. . Etre battante et avoir une conviction sont des traits de caractère indispensable pour une entrepreneure. »

 

Est-ce que vous intégrez la RSE dans le fonctionnement de votre entreprise ? Si oui comment ? Et vous a-t-elle apporté des opportunités de développement ?

« Oui ! Déjà nous avons créé de l’emploi dans un milieu rural avec des salariés qui n’avaient jamais travaillé. Nous les avons formés, pour certains appris à lire et à écrire. Nous avons également permis à des mères de venir travailler en instaurant une crèche pour leurs enfants. Nous avons également assisté les agriculteurs pendant les périodes de détresse et en leur donnant une assurance maladie pour pouvoir les aider à traverser les problèmes de la vie. Nous avons d’une certaine manière amélioré les conditions de vie et de travail des salariés.

Nous avons la volonté de dépasser ces premiers pas et que la RSE devienne notre leitmotiv sur tous les aspects de notre activité. Cet engagement est autant issu de convictions morales que d’un besoin de renforcer notre compétitivité. »

 

L’Afrique cumule le plus grand nombre de femmes entrepreneures au monde. Est-ce que cela vous parle ? Et d’après vous pourquoi ?

« La chance du continent africain est que chaque femme africaine est bourrée de compétences quel que soit son niveau intellectuel. Le milieu social inculque des compétences innées. Elles se donnent des défis.  Les femmes sont toutes des expertes dans leurs domaines respectifs. La plupart des femmes sont des entrepreneurs et aussi des entreprenantes. Les leaders sont petit à petit entrain de sortir de leur coquille. Il faut contribuer à dévoiler ces femmes entrepreneurs ou entreprenantes. »

 

Quels conseils donneriez-vous à des femmes africaines entrepreneures qui souhaiteraient lancer leur projet ?

« Osez entreprendre !!!! il faut se fixer un défi et avoir la conviction, la vision et la passion de réussir. Toute femme a quelque chose en elle ! Il faut briser dépasser la pudeur, l’hésitation, la peur et aller de l’avant et oser entreprendre. Si on n’ose pas, on ne peut pas découvrir son propre potentiel. Il faut oser entreprendre ! Se donner les moyens de réaliser ses rêves et de les bâtir. »

 

Selon vous quelles seraient les mesures à prendre en priorité permettant de favoriser l’entreprenariat des femmes en Côte d’Ivoire et plus généralement en Afrique de l’ouest ?

« Le premier levier est la formation, partant de l’éducation. En étant formé on apprend et on est aussi informé. Il faut aussi accentuer les formations sur les outils informatiques, primordiaux aujourd’hui.

Le deuxième est de faire confiance aux femmes entrepreneurs car elles ont la conscience de pouvoir réussir, mais aussi la crainte de l’échec, ce qui leur donne une force supplémentaire, qu’il faut néanmoins surmonter. Aujourd’hui les gouvernements doivent faire confiance aux femmes s. Les pays émergents ont des PME fortes, ils doivent apprendre à les accompagner et à faire confiance à leur force entrepreneuriale. »

 

Comment voyez-vous la suite de vos projets ?

« Comme je l’ai mentionné auparavant nous aimerions assurer davantage la transformation de l’anacarde et nous étendre à l’international. Nous souhaiterions également mettre en avant le continent africain, premier producteur mondial d’anacarde, en créant un label tel que « made in Africa », qu’il soit reconnu comme un produit régional. »

 

Auriez-vous quelque chose à ajouter concernant notre thématique des femmes africaines dans l’économie africaine, y a-t-il un élément qui vous semble pertinent de souligner ?

« Il faut faire confiance aux femmes africaines entrepreneurs, quand on fait confiance aux femmes on a la clé de la réussite. Le travail des femmes en Côte d’Ivoire a permis au pays de surmonter 10 années de crise. »

 

 

 

 

 

 

 

Cet entretien a été réalisé le 6 juin 2018

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