Rapport mondial 2015 : Pertinence des droits humains dans les moments difficiles [inclut impacts des entreprises]

29 janvier 2015 - Human Rights Watch

« …Cette 25e édition annuelle du Rapport mondial de Human Rights Watch, dont la version intégrale en anglais comprend 644 pages (la version abrégée en français en compte 186), examine les pratiques en matière de droits humains dans plus de 90 pays…

« Collectez tout »

Nous vivons désormais à l’ère du « big data » : toutes nos communications et nos activités laissent d’abondantes traces numériques, qui peuvent être collectées, analysées et stockées pour un coût modique. En parallèle, des impératifs commerciaux conduisent diverses entreprises à amasser d’immenses quantités d’informations relatives à nos relations sociales, notre santé, nos finances, et nos habitudes de consommation. L’effondrement du coût du stockage et du traitement informatique implique que de telles données peuvent être conservées plus longtemps, et pourront être explorées à l’avenir pour répondre à des objectifs encore inconnus.

Ces archives numériques intéressent les gouvernements pour différentes raisons, à la fois légitimes et illégitimes. En ayant accès aux données détenues par le secteur privé, les gouvernements peuvent facilement mettre à jour des tendances dans nos comportements et modes d’association, que nous soyons connectés ou non – et ce, qu’il s’agisse de contrecarrer des menaces sécuritaires, ou d’identifier des personnes qui s’expriment particulièrement fortement sur Internet pour critiquer la politique gouvernementale…

En 2014, les principales entreprises technologiques américaines ont redoublé d’efforts pour renforcer la sécurité de leurs appareils et services contre l’espionnage. Ces mesures sont devenues un impératif commercial, alors que la perte de confiance provoque la fuite des usagers vers des entreprises non-américaines. En septembre 2014, Google et Apple ont annoncé que les données stockées sur leurs appareils mobiles seraient cryptées par défaut, et qu’aucune de ces deux entreprises ne serait en mesure de décoder les don- nées enregistrées à la demande du gouvernement. Google, Microsoft, Yahoo, Facebook, et d’autres services ont pris des mesures supplémentaires pour sécuriser les courriels
et messages, expérimentant une évolution d’Internet que les experts en sécurité et les défenseurs des droits humains appelaient de leurs vœux depuis des années…

Les acteurs du secteur privé ont la responsabilité de respecter les droits humains, quand il leur est demandé de contribuer à la surveillance ou à la collecte de données. Quand des entreprises de l’Internet ou des télécommunications livrent des données d’usagers ou contribuent aux efforts de surveillance sans mesures de protection adéquates, elles risquent d’être complices des violations qui peuvent en résulter…

Événements sportifs de grande envergure et droits humains…

Les possibilités de changer le cours des choses sont aujourd’hui plus nombreuses qu’avant : les amateurs de sports, les entreprises qui sponsorisent les manifestations et le grand public sont de plus en plus rebutés par les atteintes aux droits humains qui sont signalées lors des événements sportifs de prestige.

Ces différents abus se déroulant dans le contexte d’événements sportifs de grande envergure, et étant souvent imputables à leurs préparatifs, il est grand temps d’adopter des réformes concrètes pour encourager les gouvernements à revoir leurs pratiques en matière de droits humains avant d’accueillir ces manifestations…

Il est impératif que les instances sportives internationales reconnaissent que le fait d’accorder des contrats pour la construction d’infrastructures à grande échelle à des gouvernements qui portent atteinte aux droits humains ne peut qu’aggraver les exac- tions actuelles ; par ailleurs, les instances dirigeantes des organisations sportives mondiales doivent être réformées en interne, en faisant sans cesse valoir qu’aucun événement sportif ne pourra être considéré comme une réussite s’il se déroule là où sont commises des atteintes majeures aux droits humains…

Abus dans l’industrie minière

Le Canada est le plus important centre mondial de financement de l’industrie minière, accueillant la majorité des sociétés minières et entreprises d’exploration du monde. Ces firmes ont un impact collectif énorme sur les droits humains des communautés vulnérables partout dans le monde.

En 2013, Human Rights Watch a recueilli des informations concernant les accusations visant Nevsun Resources, une firme basée à Vancouver, selon lesquelles sa mine d’or phare de Bisha, en Érythrée, avait été en partie construite en recourant au travail forcé de main d’œuvre déployée par un entrepreneur public local, Segen Construction. Dans une déclaration, Nevsun a exprimé « des regrets si certains employés de Segen ont été enrôlés de force » lors de la construction de la mine, insistant sur le fait que de tels abus n’avaient plus cours aujourd’hui…

En 2011, Human Rights Watch avait recueilli des informations sur les accusations selon lesquelles des agents de sécurité employés par le géant minier canadien Bar- rick Gold avaient commis des viols collectifs de femmes sur un site minier de Papouasie-Nouvelle-Guinée et s’étaient livrés à d’autres brutalités. Depuis lors, la firme a pris des mesures visant à prévenir de nouvelles brutalités. En 2014, elle a indemnisé une centaine de femmes qui avaient subi des violences sexuelles infligées par des employés de la société, soit en leur versant de l’argent liquide, soit en prodiguant d’autres formes d’assistance…

Le gouvernement canadien ne réglemente pas et ne contrôle pas les pratiques des so- ciétés minières canadiennes en matière de droits humains lorsqu’elles s’établissent à l’étranger. L’unique mesure qu’il a adoptée sur ce plan a été de mettre en place, en 2009, un conseiller en responsabilité sociale des entreprises dont le bureau ne dis- pose d’aucun pouvoir de supervision ni d’enquête…

Droits des travailleurs migrants

Le Qatar compte environ 2 millions d’habitants, parmi lesquels 10 pour cent seulement sont des ressortissants qatariens. Des travailleurs migrants mal payés, la plupart originaires de pays d’Asie et — dans une moindre mesure d’Afrique —, continuent d’être victimes de maltraitance et d’exploitation. En mai 2014, les autorités qatariennes ont annoncé des réformes du travail, en réponse à une condamnation généralisée du non-respect des droits humains des travailleurs de la construction tandis que le pays construit des stades et d’autres installations sportives afin d’accueillir la Coupe du monde en 2022.

Toutefois, les réformes annoncées ne protégeront pas adéquatement les travailleurs migrants contre le trafic, le travail forcé et d’autres violations des droits humains.

On ignore si elles procureront une certaine protection aux travailleurs domestiques migrants, pour la plupart des femmes, particulièrement vulnérable à l’exploitation et aux abus.

La loi sur le travail n° 14/2004 réglementant le travail dans le secteur privé, prévoit que les travailleurs étrangers perçoivent des congés payés annuels, formule des exigences en matière de sécurité et de santé et impose le versement du salaire mensuel dans les temps convenus. En pratique, les employeurs continuent à bafouer ces exigences en toute impunité en raison de l’incapacité des autorités à faire respecter cette loi et d’autres destinées à protéger les droits des travailleurs.
Généralement, les travailleurs s’acquittent de frais de recrutement exorbitants et les employeurs s’emparent régulièrement de leurs passeports lorsqu’ils arrivent au Qatar. De nombreux travailleurs migrants se plaignent du non-versement en temps opportun de leur salaire par leur employeur, si tant est qu’il le leur paie. Les travailleurs migrants n’ont ni le droit de se syndiquer ni celui de faire grève, bien qu’ils constituent 99 pour cent de la main-d’œuvre dans le secteur privé. Nombreux sont ceux qui sont contraints de vivre dans la promiscuité et dans des conditions sanitaires déplorables, en particulier ceux qui travaillent sans papiers.

Le système de parrainage dénommé « kafala » lie la résidence légale d’un travail- leur migrant à son employeur ou « tuteur »…

Photo : RSE et PED

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