La RSE : outil stratégique à double vitesse en Afrique [retour sur la 3ème édition du forum international des pionniers de la RSE en Afrique]

9 décembre 2013 - Africa Public Affairs [APA] - Nadine Zehe Robert, formateur et consultante associée à Africa Public Affairs

Accra a abrité au cours de la dernière semaine du mois de novembre 2013, la 3ème édition du forum international des pionniers de la Responsabilité Sociétale des Entreprises en Afrique après le rendez-vous de Douala en 2011 et celui de Tunis en 2012. A Accra, les pionniers ont animé des communications autour du thème central «RSE, outil stratégique de la transformation structurelle de l’économie et de la création de la valeur partagée en Afrique. ». Durant deux jours, se sont retrouvés à Accra, plus de 100 participants, constitués d’organisations patronales et fédérations d’entreprises, de représentants de gouvernements, de collectivités territoriales, de chambres de commerce, d’agences d’investissement, de partenaires au développement, d’institutions internationales, de consultants en RSE, d’universitaires, de syndicats et d’ONG.

Accra a été le centre d’appréciation du paysage économique africain en matière de RSE. Le thème central a été abordé au moyen de sujets présentés en panels puis soumis à débats. De manière exhaustive, les différents panels sont :

  • évolution et standardisation de la RSE en Afrique – pratiques de RSE en Afrique
  • de la philanthropie à la valeur partagée
  • communautés et contenu local communautés et contenu local
  • dialogue des parties prenantes
  • de la confrontation à la conciliation
  • droits humains et bonne gouvernance
  • les critères environnement, social & gouvernance dans les projets d’investissement en Afrique
  • rapport de développement durable et le GRI (global reporting initiative)
  • vue des organisations patronales en Afrique sur la RSE
  • biodiversité

Des communications et des échanges, il ressort que la RSE est un concept certes bien cadré mais en constante évolution. La RSE fût longtemps qualifiée comme concept n’ayant pas d’effets sur la ligne de résultat de l’entreprise. On note aujourd’hui sa forte utilité pour la rentabilité des entreprises qui la pratiquent tant dans le monde qu’en Afrique. Dans un contexte de crise mondiale, on a conclu que la RSE est un outil de résilience. Le panel sur la philanthropie et la valeur partagée fût l’occasion d’insister sur le concept de la rse comme stratégie cohérente en lien avec l’objet de l’entreprise versus des actions philanthropiques isolées. Les entreprises ont su présenter la frontière de ces notions. S’agissant des communautés et du contenu local, l’état Ghanéen a présenté tel un dans une position de pionnier un document directif sur ce que les entreprises devraient entendre par communautés et le local dans leurs stratégies RSE. Le but d’une telle orientation est de permettre aux entreprises de véritablement contribuer aux actions du gouvernement pour relever les défis sociaux et environnementaux et non à le remplacer. Toujours dans le cas ghanéen, l’on découvre l’intégration de la responsabilité sociétale des organisations dans la politique d’approvisionnement public. La mise en œuvre d’une politique d’achat responsable à travers les marchés publics. Les études de cas des démarches des entreprises présentées lors du panel dialogue des parties prenantes indiquent que le dialogue avec les parties prenantes est une approche de taille. Car elle met en exergue la nécessité de compréhension de la réalité des communautés auxquelles s’adresseront les actions de l’entreprise citoyenne. Il est apparu que les entreprises opérant dans les mines y sont plus sensibles que d’autres. La question qui reste posée est de savoir à quel point le dialogue avec les parties prenantes est une fin en soi ou une approche dans une démarche RSE.

La RSE comporte des limites, elles proviennent soit des communautés locales ou des pouvoirs publics. Mais de toute manière les limites renvoient à la gouvernance. C’est ce qui ressort du thème de la confrontation à la conciliation. Au sein du réseau des pionniers de la rse, le cas de la Côte d’Ivoire en période de conflits a été évoqué. Les sujets droits humains et bonne gouvernance, les critères environnement, social & gouvernance dans les projets d’investissement en Afrique ont été l’occasion de rappeler que la RSE est un concept qui place au cœur de sa finalité les conditions de l’humain, une économie viable, un environnement vivable et une économie durable. Le tout se fonde sur une bonne gouvernance financière pour les entreprises et une bonne gouvernance politique pour les états. La présentation rapport de développement durable, GRI (global reporting initiative) a été l’occasion de présenter l’évolution du canevas de reporting et les lignes directrices. Les rencontres des pionniers de la rse en Afrique se tiennent chaque année grâce à l’engagement d’une organisation patronale. C’est à ce titre que l’avis des organisations patronales fait l’objet d’une section : vue des organisations patronales en Afrique sur la RSE. Les organisations patronales présentes à Accra en novembre 2013, Ghana – Cameroun – Fédération des Organisations Patronales de l’Afrique de l’Ouest ont émis leurs perceptions et positions sur la responsabilité sociétale des entreprises en Afrique. Elles ont conscience des enjeux du concept pour leurs affaires et invitent leurs paires à plus de d’actions de vulgarisation. Un appel à plus d’actions concrètes entre les rencontres est émis.

La RSE à l’africaine tant évoquée durant le forum n’implique pas la réécriture du concept pour et par l’Afrique. Les participants évoquent plutôt la prise en compte de caractéristiques contextuelles spécifiques à l’Afrique. Leur prise en considération gagnerait à faire avancer les entreprises et organisations qui œuvrent de façon responsable en Afrique.

Le forum international des pionniers de la RSE en Afrique est une bonne initiative pour faire évoluer le sujet à grands pas. Une rencontre à laquelle participe chaque année APA, Africa Public Affairs. Ayant initié ce type de rencontre avec le secteur privé, la Chambre de Commerce et d’Industrie et les diverses catégories de parties prenantes au Bénin, c’est à juste titre que nous contribuons à écrire l’histoire de la RSE en Afrique à travers la participation à ce forum. Nous constatons que le concept se diffuse à double vitesse en Afrique. D’un côté, il y a les organisations qui maitrisent la RSE, la mettent en application et en suivent l’évolution au plan international. De l’autre, il y a la majorité des populations et acteurs qui gagneraient à connaître le concept de la responsabilité sociétale des entreprises, son contenu et son utilité pour la société. Malgré une volonté des dirigeants de mettre en pratique la RSE dans leurs organisations, celle-ci reste très orientée vers la philanthropie sans intégration dans la stratégie. Le forum d’Accra recommande aux chefs d’entreprises de passer d’une vision philanthropique à celle stratégique de la RSE.

Signalons alors qu’on peinait à faire passer la notion de la RSE, dans l’opinion publique, c’est avec satisfaction que nous étudions le cas des pays africain qui soutiennent et encouragent cet engagement. Parler des critères ESG dans les marchés publics est absolument novateur en Afrique. A l’avenir on devrait se pencher plus sur la place accordée aux élus locaux dans le dialogue avec les parties prenantes.

Contact : n.zeherobert [at] apa-africa.eu

Photo : F. Lefèbvre (site EuropeAid)

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Nadine Zehe Robert
Nadine Zehe Robert, Contributeur Bénin, Togo et Ghana, est consultante en relations publiques et se focalise sur la promotion de la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) comme élément [...]
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