La Responsabilité Sociale des Entreprises : nouveau champ de la coopération française – Intervention au 4ème Forum international de Dakar sur la RSE

2 novembre 2012 - Ministère des Affaires Etrangères [France] - Michel Doucin, Ambassadeur chargé de la bioéthique et de la RSE, France

Par Michel Doucin

Ambassadeur chargé de la bioéthique et de la responsabilité sociale des entreprises – France

Conférence prononcée à l’occasion du 4e  Forum International de Dakar sur la RSE

Je vais consacrer cette intervention à l’un des volets la nouvelle politique d’aide au développement que les autorités politiques françaises élues en mai et juin dernier ont décidé  d’élaborer, dans un acte de refondation après 50 ans d’indépendances. Des Assises Nationales du Développement vont être lancées dans quelques jours par le ministre délégué, M. Pascal Canfin, processus participatif qui se déroulera pendant quatre mois, pour être clôturé début mars par le Président de la République, M. François Hollande.

Cette nouvelle politique sera issue de cette refondation démocratique, mais nous savons déjà que l’intention du ministre est d’ajouter un volet responsabilité sociale des entreprises à la politique française de développement. Et je suis, évidemment, particulièrement chargé de travailler sur ce nouveau champ.

Avant toutefois de vous présenter les grandes lignes de ce que pourrait être ce nouveau volet, je voudrais prendre le temps de répondre à la question : « Pourquoi ajouter la RSE dans la politique d’aide au développement ? »

Pour cela, il convient de se mettre d’accord sur la définition de la RSE : il en est plusieurs, et je m’attacherai à présenter celle qui s’impose aujourd’hui car elle a été définie récemment par un très large consensus international. Nous observerons ensuite les enjeux que représente la RSE pour les gouvernements des pays en développement, puis en viendrons à présenter les grandes lignes de ce que nous envisageons en France, sachant que nous lançons, avec les Assises, un processus participatif auquel vous être très cordialement invités à collaborer en apportant vos commentaires et idées sur leur site.

  

1. Une nouvelle définition consensuelle récente de la responsabilité sociale des entreprises 

Entre 2004 et 2011, un certain nombre négociations décisives ont eu lieu dans des enceintes internationales majeures, portant toutes sur le responsabilité sociale des entreprises et aboutissant à sa redéfinition de façon très convergente.           

A l’OCDE, les Principes directeurs pour les Entreprises Multinationales, la norme internationale la plus ancienne, puisque datant de 1976, révisées plusieurs fois, dont la dernière en mai 2011, ont été approuvés à l’unanimité des membres de l’OCDE auxquels se sont joints une dizaine de pays dont le Brésil, l’Egypte, le Pérou. En outre des Principes pour la diligence raisonnable dans le secteur extractif opérant dans les zones de conflit ont été élaborés (octobre 2011)

La Société financière internationale, filiale de la Banque mondiale, a révisé ses Performance Standards, un ensemble de prescriptions pour 9 thématiques à propos desquelles tout emprunteur doit mener des études d’impact dont la description est très précise dans la version adoptée en mai 2011. Or ce standard fait autorité dans le monde de l’aide au développement, l’ensemble des banques et agences de développement alignant leurs critères sur lui.

Le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU a adopté, au terme de six années de travail d’un Représentant Spécial du Secrétaire Général pour les droits de l’Homme, les entreprises multinationales et autres entreprises, des Principes directeurs sur les droits de l’Homme et entreprises en juin 2011. Une adoption à l’unanimité.

L’Union Européenne, qui dès 2001, s’était dotée d’un Livre vert sur la RSE, a vu, en octobre 2011, sa Commission rendre publique une 3e Communication sur la RSE qui s’inscrit dans le cadre de sa Stratégie de croissance inclusive 2020

Enfin, mais c’est la première à avoir ouvert le feu, l’Organisation Internationale de Standardisation (ISO), organisation internationale privée connue pour avoir déjà défini des standards sectoriels en matière d’environnement et de social, a adopté en novembre 2010 un Guide pour la responsabilité sociétale des organisations ISO 26000.  Je la cite en dernier parce que, publiée la première et associant, dans son processus d’élaboration, dans chacun des 90 pays qui y ont participé, six catégories d’acteurs (entreprises, Etats, associations de consommateurs, syndicats, ONG et experts), elle s’est trouvée porteuse d’une légitimité si forte – et ce d’autant plus que plusieurs pays émergents asiatiques et latino-américains ont participé à sa négociation et l’ont approuvée – qu’elle a « contaminé » les autres négociations. En particulier en ce qui concerne la définition.

La définition d’ISO 26000 est aujourd’hui la matrice dont sont issues la plupart des autres normes. Que dit-elle ? La RSO est la « maîtrise par une organisation des impacts de ses décisions et activités sur la société et sur l’environnement, se traduisant par un comportement éthique et transparent qui – contribue au développement durable, y compris à la santé et au bien-être de la société ; – prend en compte les attentes des parties prenantes ; – respecte les lois en vigueur tout en étant en cohérence avec les normes internationales de comportement ; – et qui est intégré dans l’ensemble de l’organisation et mis en œuvre dans ses relations. »

Chaque mot compte, et je souligne ici les plus nouveaux.

Vous noterez tout d’abord que l’adjectif « volontaire », que l’on trouvait dans la plupart des définitions précédentes a disparu. Ainsi en 2006 encore, la Commission européenne, définissait-elle la RSE comme : «L’intégration volontaire par les entreprises de préoccupations sociales et environnementales à leurs activités commerciales et leurs relations avec leurs parties prenantes» (22 mars 2006).

Par normes internationales de comportement, ISO 26000 évoque les conventions internationales fondamentales dans les domaines du travail, de la lutte contre la corruption, de l’environnement, et des droits de l’Homme. Et ceci et nouveau.

Depuis la conférence mondiale de Vienne sur les droits de l’Homme de 1993, le problème avait été soulevé de l’élaboration d’une norme internationale qui viserait les entreprises pour leurs potentielles atteintes à ces droits. Les négociations, génialement menées par le Professeur John Ruggie, débouchent, en juin 2011, sur l’adoption à l’unanimité du Conseil des droits de l’Homme – un organe inter-étatique où il n’y a pas que des gentils – de Principes directeurs sur les droits de l’Homme et entreprises.

Ils affirment que « Les entreprises devraient respecter les droits de l’homme. Cela signifie qu’elles devraient éviter de porter atteinte aux droits de l’homme d’autrui et remédier aux incidences négatives sur les droits de l’homme dans lesquelles elles ont une part. » La responsabilité des entreprises de respecter les droits de l’homme porte sur les droits de l’homme internationalement reconnus − à savoir, au minimum, ceux figurant dans la Charte internationale des droits de l’homme et les principes concernant les droits fondamentaux énoncés dans la Déclaration relative aux principes et droits fondamentaux au travail de l’Organisation internationale du Travail

La Charte des droits de l’Homme des Nations unies comprend les deux Pactes de 1966, qui sont du droit obligatoire pour les Etats. Et la Déclaration de l’OIT vise 8 conventions fondamentales obligatoires, y compris pour les Etats qui ne les ont pas expressément ratifiées,  car elles ont été déclarées comme telles à l’unanimité des trois collèges de l’OIT : Etats, employeurs et employés.

Des mots clés figurent dans l’ensemble des cinq textes que je vous ai cités et sont, au total, porteurs de changements profonds :

– « maîtrise ses impacts » (ou effets sur la société selon la définition de la Commission européenne rejette l’idée que l’engagement dans la RSE serait purement « volontaire » et d’autre part dit implicitement que l’entreprise n’est pas qu’un acteur positif dans la société : elle peut aussi exercer des « effets négatifs » sur elle.

– le « respect des normes internationales de comportement », c’est-à-dire des conventions fondamentales les plus largement reconnues signifie que la référence n’est plus le seul droit national, qui peut être très faible.

– « développement durable » : les thèmes de la RSE sont l’ensemble des sujets du développement durable, soit les 7 « questions centrales » d’ISO 26000 et plus seulement l’environnement, la gouvernance économique et le social. S’y ajoutent l’intérêt des consommateurs, la protection des communautés, la vigilance à l’égard de la chaîne de valeur (une responsabilité étendue aux fournisseurs et clients) et.les droits de l’Homme.

– l’outil en est la « diligence raisonnable » qui doit être menée pour identifier impacts et complicités d’impacts

– « intégré dans l’ensemble de l’organisation » appelle l’utilisation de la RSE comme outil managérial transformant le pilotage stratégique de l’entreprise, par opposition à une philanthropie qui ne serait qu’une utilisation marginale des ressources dégagées par une gestion n’accordant pas d’importance aux valeurs de la RSE

– enfin, une véritable « écoute des parties prenantes » est demandée, allant au delà d’une simple consultation sélective, ce qui signifie que l’on souhaite l’introduction d’éléments de démocratie dans la gouvernance de l’entreprise.

Tout ceci se traduit par une hiérarchisation des priorités pour l’entreprise entre trrois conceptions dans sa politique de RSE :

Elle doit commencer par respecter le droit national, même si l’Etat concerné ne fait pas de gros efforts pour cela, ensuite les normes internationales relatives aux droits fondamentaux, quitte à devoir gérer un éventuel conflit avec le droit local, et c’est  seulement ensuite qu’elle peut être généreuse et inventive pour pratiquer volontairement ce que l’on a longtemps appelé la RSE et dont la frontière avec la philanthropie est poreuse.

Un regard sur les politiques d’incitation au développement de la RSE dans les pays émergents – car ces pays sont nombreux à élaborer des lois et réglementations dans le domaine – permet de vérifier que c’est cette hiérarchie qu’ils entendent faire respecter par toutes les grandes entreprises, car ils ont identifié combien celles-ci peuvent les aider à faire respecter leur législation alors qu’ils ne disposent souvent pas en nombre suffisant des fonctionnaires formés et indifférents aux tentations, qu’il leur faudrait pour cela.

Cette définition nouvelle rappelée, je pense que vous vous demandez les raisons du changement par rapport à la précédente. Je vais répondre à la question en mettant en relief combien la RSE représente un enjeu important pour les pays en développement

 

2. Les enjeux de la RSE dans les pays en développement 

Vivant dans un pays pauvre et peu équipé au plan administratif, vous partagez sans doute la raison que je viens de décrire dans les pays émergents.

Mais il est une autre raison importante à ce changement de définition : le bilan décevant du « volontarisme » .

Ce sont de grandes entreprises professant un fort engagement dans la RSE qui, par exemple, ont :

– aidé le Coup d’Etat militaire au Chili en 1973 (d’où les Principes directeurs de l’OCDE adoptés en 1976)

– été complices de nombreux naufrages pétroliers pour avoir affrété des navires à bout de souffle, tel l’Amoco-Cadiz en 1978

– nié leur responsabilité dans des catastrophes industrielles comme l’explosion de l’usine chimique de Bhopal en 1984, provoquant la mort de  20.000 morts au moins et frappant d’invalidité des centaines de milliers d’autres

– ont fermé les yeux sur ce que devenaient leurs déchets, tels ceux  déchargés par le Cargo Probo-Koala en Côte d’Ivoire, des résidus toxiques pétroliers revendus comme engrais en 2009, provoquant la mort d’au moins 30 personnes

– ont continué de promouvoir des médicaments dangereux alors que les preuves s’accumulaient de sa nocivité, tel l’antidiabétique Mediator qui a provoqué au moins 500 morts entre 1997 et 2001 en France

– ou ont masqué leur non-respect de règles de sécurité, comme à la Centrale nucléaire de Fukushima dont l’un des réacteurs a fondu suite à une tremblement de terre, en 2011 : 100.000 personnes déplacées ont perdu leur travail et, souvent tout espoir.

Autant de preuves de la faiblesse de l’autorégulation, base de la pensée RSE jusque récemment. Du reste, des études scientifiques récentes ont mis en relief le fait que les chartes et codes d’entreprises multinationales sont souvent une partie des politiques de marketing, traitant de ce qui va bien et ignorant le reste. Ainsi, une étude de la Harvard Business School de-2006 a-t elle remarqué que, parmi les codes de conduite des 100 plus grosses entreprises multinationales, toutes n’avaient pas les mêmes intérêts : elles abordaient, pour :

–       97 % la santé et la sécurité au travail,

–       95 % l’environnement,

–       82 % les relations du travail (droit syndical),

–       43 % la corruption

Les risques pour les Etats des pays en développement de s’en remettre au seul volontarisme des grandes entreprises apparaissent dès lors d’être soumis à:

– Un pouvoir dérégulateur par les accords d’investissement et les zones franches…

– Un pouvoir normatif par les codes de conduite appliqués aux sous-traitants

– Un pouvoir déstabilisateur des administrations par la prolifération des auditeurs privés plus puissants que les inspecteurs, et contrôleurs

– Un pouvoir corrupteur, éventuellement, alimentant les activités illégales

– Un pouvoir matériel porteur de risques considérables pour l’environnement

Mais les entreprises sont aussi des acteurs du développement 

Il existe heureusement une autre face de la monnaie, la contribution positive des entreprises au développement: elles apportent création d’emploi et de richesse, construisent des infrastructures de transport, des marchés, permettent l’accès aux technologies nouvelles et l’insertion dans le commerce mondial.

En outre, certaines entreprises apportent de nouveaux modèles économiques ayant une forte composante sociale en s’intéressant à la «base de la pyramide », c’est-à-dire au « marché » des plus pauvres, auxquels elles se proposent d’apporter des biens et services essentiels que les Etats ne réussissent pas à fournir suffisamment. Elles contribuent ainsi à la lutte contre la pauvreté.

On distingue, dans ces nouveaux modèles, une capacité de contribuer au développement parce que les entreprises choisissent pour partenaires au moins 4 catégories d’acteurs locaux :

–       les populations locales : les entreprises mettent en place des mécanismes de co-création avec les populations locales pour définir avec elles une offre répondant effectivement à leurs attentes.

–       les associations et ONG : les entreprises s’appuient sur des associations locales pour construire un lien de confiance avec les populations et élaborer des campagnes de marketing social adaptées à leurs attentes

–        les entrepreneurs sociaux, dont elles favorisent la création en proposant des partenariats avec des petites entreprises pour expérimenter des solutions innovantes et des projets ultérieurement répliqués à plus grande échelle ; on l’observe de plus en plus pour le « commerce équitable ».

–        les pouvoirs publics, acteurs incontournables des stratégies développées par les entreprises car elles ont besoin d’eux pour donner de la légitimité à leurs démarches qui empiètent sur le domaine social traditionnel de l’Etat et donc pour négocier leur acceptabilité locale sur le territoire.

En outre, la RSE apparaît comme un chemin de progrès économique en ce qu’elle transforme le management : elle n’est donc pas nécessairement un surcoût, et lorsqu’elle l’est, c’est un investissement qui permet d’améliorer la performance économique (et pas seulement), en particulier des entreprises d’Etat. La politique chinoise de RSE a commencé par le secteur public pour cette raison. On peut résumer la méthode et ses résultats en six aphorismes :

–       Un personnel motivé se fidélise, réduisant le turn over, perfectionne les procès de production et ne compte pas son temps

–       Un actionnaire séduit n’est plus volage, ce qui assure une stabilité de la valeur financière

–       Un consommateur conquis achète régulièrement et relaie le marketing

–       Une communauté impactée et aidée n’est plus hostile

–       Un élu local impliqué facilite les démarches

–       Une ONG convaincue aide à l’identification des risques et contribue à une image positive

Ceci débouche sur une meilleure productivité, permet de stabiliser le capital, d’élargir le marché et d’asseoir une belle réputation. Or la valeur d’une entreprise repose aujourd’hui souvent, pour moitié, sur sa réputation. C’est une autre raison qui motive des pays émergents dont la réputation de la production était encore récemment très basse, pour définir des politiques nationales de qualité passant par la RSE.

Les enjeux de la RSE pour les gouvernements des pays en développement sont donc importants: il s’agit pour eux de maîtriser les effets éventuellement négatifs pour leur population et leur avenir des investissements étrangers, de mettre aux normes internationales leurs entreprises nationales pour qu’elles puissent exporter sans risque d’exclusion des chaînes d’approvisionnement, de participer à l’élaboration de ces normes et de contribuer à la réalisation des objectifs nationaux de développement, en particulier de lutte contre la pauvreté.

 

3. Les axes de ce que pourrait être une politique française de développement promouvant la RSE

Elles résultent de l’analyse précédente. On peut les résumer à quatre :

Favoriser l’inclusion des PVD dans les négociations sur les normes

La France conduit depuis 2008 une politique active dans ce sens, au sein de l’OIF : le séminaire sur la RSE et la Francophonie que nous avons organisé à  Rabat en février 2008 est à l’origine de la Déclaration du Sommet de Québec d’octobre 2008 où la RSE est identifiée pour la première fois comme un élément de la politique de la Francophonie. Pendant la négociation ISO 26000, nous avons constitué un groupe francophone qui a pu se faire entendre. La récente Déclaration de Kinshasa comprend à nouveau des engagements sur la RSE

Mais il y a, à l’agenda international, de nombreuses autres négociations où il importe que les gouvernements des pays en développement francophones soient activement présents. J’en cite rapidement quelques unes :

– la 4e version de la Global Reporting Initiative (née 2001), c’est-à-dire des lignes directrices et indicateurs les plus utilisés dans le monde pour les rapports de développement durable – la négociation sur ces G4 en cours 

– l’Initiative pour la Transparence des Industries Extractives (EITI), lancée en 2003 au G7 d’Evian. Cet accord visant la lutte contre la corruption inclut déjà 34 pays extracteurs, dont une moitié de francophones, largement grâce à mon pays. Je salue la décision du Sénégal de rejoindre cette organisation originale car cogérée par des Etats, des entreprises et des ONG

L’Union Européenne, dont la communication 2011 fait état du projet d’inclure des clauses de RSE dans les accords commerciaux et d’investissement

Enfin, le Groupe des amis du paragraphe 47 de la déclaration de Rio + 2O que nous avons lancé avec l’Afrique du Sud, le Brésil et le Danemark en juin dernier. Il vise à favoriser la reconnaissance par les Etats de l’importance de la transparence des entreprises quant aux risques sociaux, environnementaux et relatifs aux droits de l’Homme dont elles sont porteuses, par la promotion du reporting. Son ambition est de favoriser une harmonisation à un niveau satisfaisant d’exigence des normes existant dans ce domaine. Nous aimerions beaucoup que des pays en développement francophones nous y rejoignent.

Encourager les initiatives collectives d’entreprises locales désireuses d’expérimenter la RSE 

Les Forums RSE sont des éléments essentiels du développement d’une culture RSE, et je salue celui qui se réunit ici ces jours-ci. Je félicite le gouvernement canadien qui conduit une politique très active de soutien aux Forums en Afrique. Ceux-ci permettent de construire du consensus et de la réflexion sur un sujet sensible et souvent mal compris. Un rôle clé revient aussi aux CCI et clubs d’entreprises. Par exemple, en France le Centre des Jeunes Dirigeants est l’auteur du standard RSE « Performance Globale » qui a créé une dynamique très forte dans la famille des PME et TPE.

La France estes prête à accompagner aussi le développement des Forums, en y ajoutant un intérêt particulier pour les groupes nationaux du Pacte Mondial. Le chapitre français, fort de ses  700 entreprises adhérents, est en train de finaliser un accord avec l’ AFD pour mettre en place de tels appuis.

Favoriser l’expérimentation de nouveaux modèles inclusifs participant à la lutte contre la pauvreté

Le Ministère français des Affaires étrangères a confié une étude à un cabinet spécialisé dirigé par un chercheur d’HEC, M.  David Menasce, portant sur la contribution aux ODM des entreprises de l’eau, du téléphone, de la santé et de l’alimentation. Elle est accessible sur le site www.rse-et-ped.

Les résultats sont passionnants : ils signalent que sans les initiatives de grands groupes, il n’y aurait pas 4 milliards de téléphones portables dans le monde, dont une bonne moitié dans les pays en développement qui permettent à des personnes très pauvres d’avoir accès à des services bancaires, de la télémédecine, des informations sur les cours des produits agricoles.. tous éléments qui permettent de relever le défi de la pauvreté. Sans l’inventivité de grandes entreprises associées à des ONG, des dizaines de millions de personnes pauvres n’auraient pas accès à l’eau potable ou aux médicaments anti-rétroviraux, etc.

Nous sommes en train de créer un groupe de réflexion avec des organisations patronales et des ONG, à Paris, pour explorer la possibilité d’aider au développement à plus grande échelle des expériences qui émergent. Une attention particulière sera apportée au commerce équitable. Nous demanderons prochainement aux ambassades de France de travailler aussi sur le sujet avec tous les acteurs locaux impliqués, en particulier dans le cadre des annulations de dette sous la forme des C2D.

Apporter un appui aux Etats et autorités locales dans l’élaboration de leurs politiques de RSE

Notre position est ferme, et parfois en décalage avec celle d’autres pays : la RSE ne doit pas aboutir à un affaiblissement des Etats en construction, ni à une privatisation des domaines régaliens.  Elle doit au contraire aider les Etats à stimuler le développement durable, car ce sont eux qui ont la légitimité la plus forte pour sa mise en œuvre,  étant seuls à même de veiller aux « intérêts des générations futures » identifiés dans la célèbre définition du rapport Brundtland de 1987.

Mais pour cela, les Etats ont besoin de développer leur capacité d’exercer une fonction de maître d’ouvrage lorsqu’ils délèguent des services publics à des privés. Il faut qu’ils définissent l’encadrement réglementaire et législatif de ces délégations. Dores et déjà, la France a été le premier pays à rejoindre l’initiative de la Banque Mondiale consistant à mettre à disposition des pays en développement des juristes experts du droit de l’investissement pour permettre aux gouvernements d’être à niveau de compétence égale dans les négociations.

Et bien sûr, plus largement, il convient de les aider à définir des législations sur la RSE.

C’est sur l’ensemble de ces quatre axes que la France est prête à construire ce nouveau chapitre de sa politique d’aide au développement. Et comme vous l’avez compris, nous avons déjà posé quelques premières briques.

 

Conclusion

Je conclurai en soulignant que l’enjeu de la RSE pour l’Afrique est celui de son insertion dans le commerce mondial, celui-ci étant de plus en plus l’objet de standards techniques et de qualité. Ce continent au potentiel considérable ne représente qu’un pourcent du commerce mondial, la moitié étant le fait de l‘Afrique du Sud et du Nigeria. Ceux qui disent que la RSE ne concerne pas les entreprises africaines me paraissent avoir la vue bien courte : sous la pression des consommateurs, les importateurs exigent de plus en plus de certification, sur le diamant, sur les métaux rares, sur le bois, l’huile de palme, etc.

L’Afrique aurait tort de ne pas mesurer l’intérêt de travailler dans le cadre des nombreuses organisations internationales qui fabriquent des normes de RSE. Et ce d’autant plus que l’orientation actuelle issue de la nouvelle définition internationale de la RSE, qui met en avant les impacts négatifs porte le risque de tarir un peu plus les possibilités d’exportation de ce continent.

D’où l’importance de politiques nationales de RSE entrainant les entreprises locales à respecter les standards désormais universels. L’aide française au développement se propose d’aider les Etats qui le souhaitent, mais aussi les groupes d’entreprises et autres acteurs, à aller de l’avant dans cette double voie.

Nos partenaires