« Faits saillants du rapport « Dans l’intérêt national? »
Mines Alerte Canada et la Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles (CSILC)
Au Canada et dans toutes les Amériques, plusieurs gouvernements se tournent vers l’extraction des ressources en tant que secteur clé pour alimenter la croissance économique, en négligeant ou aux dépens d’autres secteurs. Cela occasionne une demande sans précédent sur les terres et autres ressources comme l’eau, l’énergie et l’investissement en capital. En Amérique latine, la dépendance économique sur l’extraction intensive des ressources primaires est appelée « extractivisme ».
De plus en plus, les autochtones, les Afro-descendants, les agriculteurs, les écologistes, les journalistes et d’autres citoyens concernés sont la cible de menaces, d’accusations et de diffamations lorsque ces personnes se prononcent contre ce modèle de croissance économique et des projets particuliers ainsi que leurs impacts. On tente aussi de les qualifier d’ennemis de l’État, d’adversaires du développement, de délinquants, de criminels et de terroristes. Dans les pires cas, ceci conduit aux actes de violence et aux assassinats.
Le Guatemala, le Pérou et le Mexique servent d’exemples de criminalisation intensifiée là où il n’y a guère de pause en matière de déréglementation néolibérale dans le secteur de l’exploration minière depuis les années 1990.
Au Guatemala, où les entreprises canadiennes ont dominé le secteur de l’exploitation minière et où celles-ci ont toujours été soutenues publiquement par l’Ambassade canadienne, en dépit de graves répercussions sur les communautés affectées par les mines, la criminalisation de ces dites communautés s’est intensifiée sous l’administration truffée de scandales du (désormais ancien) président Otto Pérez Molina. Quelques quatre-vingt-dix personnes ont été ciblées pour avoir pris part à des efforts visant à organiser des référendums locaux sur l’exploitation minière ou pour avoir participé à des manifestations pacifiques contre la mine d’argent Escobal de Tahoe Resources. Un grand nombre d’entre elles ont été emprisonnées pendant des mois. Dans ce cas, la criminalisation a conduit à la violence et à la militarisation, y compris un projet pilote géré par l’État au niveau local et dirigé par un colonel militaire, qui présente l’organisation locale comme une menace à la sécurité nationale.
Au Pérou, depuis les années 1990, le Canada a consacré des dizaines de millions de dollars à des projets financés dans le cadre de son programme d’aide au développement international qui consolident le rôle de l’État comme étant soit absent, soit servile aux intérêts des entreprises ou très dépendant des redevances minières à court terme. Alors que le nombre de conflits miniers grimpe en flèche, la réforme parallèle des lois a alourdi les peines en ce qui concerne la protestation sociale et a favorisé une plus grande impunité de la police lorsque celle-ci utilise la violence meurtrière contre ceux qui protestent. De 2006 à 2014, 230 personnes ont été tuées et 3 318 ont été blessées lors de conflits socio-environnementaux, surtout reliés aux projets miniers. Les forces armées étatiques, que les sociétés minières peuvent directement embaucher, sont souvent les agresseurs. Au milieu des années 2014, quelques 400 personnes ont fait l’objet de persécution légale en vertu d’accusations de rébellion, de terrorisme et de violence, souvent fallacieuses, portées par les entreprises, le personnel de la compagnie ou les procureurs publics.
Le Mexique, le pays de choix pour l’investissement minier canadien à l’étranger depuis la signature de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA) en 1994, est devenu l’un des pays les plus meurtriers pour ceux et celles qui défendent les terres et l’environnement et là où la criminalisation peut facilement conduire aux assassinats. Les auteurs de meurtres fréquents ne sont pour ainsi dire jamais tenus responsables. La militarisation a augmenté tout comme un contrôle de plus en plus grand par les groupes criminels, accompagné de l’escalade effrayante de la torture, représentant un risque encore plus grand pour quiconque est emprisonné.
La criminalisation et l’assassinat du leader communautaire Mariano Abarca en 2009 lié à la mine « Payback » de Blackfire Exploration dans la municipalité de Chicomuselo, au Chiapas, illustre comment la notion de ‘diplomatie économique’ qu’a adopté le gouvernement canadien peut contribuer à la répression et à la violence, ou ne pas aborder ces questions. L’ambassade du Canada au Mexique était bien consciente des tensions autour de la mine de Blackfire. M. Abarca lui-même lui avait signalé le recours aux ouvriers armés pour intimider les manifestants pacifiques. Lorsque M. Abarca a été arrêté, quelques semaines après avoir fait sa déposition auprès de l’ambassade, cette dernière a reçu quelques 1 400 lettres s’inquiétant de son bien-être. Néanmoins, la réponse de l’ambassade avait pour but de dissiper les doutes sur la légitimité des opérations de Blackfire. Trois mois plus tard, Mariano était assassiné. Tous les suspects avaient un lien avec la société. À ce jour, justice n’a toujours pas été rendue et l’ambassade nie toute responsabilité, argumentant que de plaider en faveur de la vie des dirigeants communautaires criminalisés reviendrait à interférer dans la souveraineté mexicaine. Pourtant, les efforts fréquents de l’ambassade pour trouver des solutions favorisant les intérêts de la société, y compris faire pression sur les autorités étatiques, ne sont pas perçus de la même façon.
L’Équateur, les efforts du lobby canadien afin de contenir les changements aux lois sur les mines, et de maintenir l’état de dépendance permanente sur l’extractivisme intensif des ressources naturelles aux fins d’exportation, ont contribué à une nouvelle vague de criminalisation en dépit des efforts considérables au cours des dernières années pour assurer une plus grande protection pour les personnes et l’environnement.
L’ambassade du Canada a exercé des fortes pressions pour empêcher la mise à exécution d’un décret constitutionnel qui aurait révoqué la plupart des concessions minières dans le pays en raison de l’absence de consultation préalable avec les communautés et de l’empiètement sur l’approvisionnement en eau et sur d’autres zones sensibles. L’ambassade a vu à assurer un siège privilégié aux sociétés canadiennes lors de l’élaboration de la nouvelle loi sur les mines qui par coïncidence a échoué à intégrer les normes fixées par le décret constitutionnel. Quand la nouvelle loi a été adoptée, les entreprises canadiennes ont fait pression pour l’affaiblir. Entretemps, la loi a été retournée contre les communautés touchées, qui s’opposaient depuis longtemps au développement de l’industrie extractive à grande échelle, étant donné les impacts potentiels sur l’approvisionnement en eau, sur les forêts et sur les économies et les cultures locales. Les membres dirigeants des communautés ont été criminalisés suite à des accusations de terrorisme souvent avec recours à la détention arbitraire et à l’emprisonnement préventif. Ces membres ont aussi été confrontés à des campagnes de diffamation publique de la part du gouvernement central dans le but de décrédibiliser leurs revendications.
Le Canada fait lieu de dernier exemple en raison de sa propre vague de déréglementation, de dépendance et son virage vers un État qui tolère de moins en moins la dissidence croissante à l’égard de l’extractivisme. Au cours de la dernière décennie, les rapports du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) et de la Gendarmerie royale du Canada (GRC), ainsi que les documents de politique du gouvernement, notamment sur les stratégies canadiennes en matière de lutte contre le terrorisme, ont associé « les intérêts économiques » aux « intérêts nationaux » du pays. On y dépeint tout groupe opposé à ces intérêts comme étant une menace à la sécurité nationale du Canada. Les groupes opposés aux politiques gouvernementales, en particulier entourant le développement des secteurs de l’énergie et extractifs, ont été infiltrés et font l’objet de surveillance par le SCRS et la GRC. L’adoption de la Loi antiterroriste de 2015, le projet de loi C-51, soulève de nouvelles inquiétudes sur la façon dont les pouvoirs accrus ayant été accordés aux services de renseignements canadiens, entres autres dispositions, pourraient être utilisés, en particulier contre les peuples et les organisations autochtones qui contestent le programme extractif dans ce pays.
En résumé, le rapport observe qu’il est de plus en plus dangereux et difficile pour les communautés et les organisations qui luttent pour les droits des autochtones, l’autodétermination et la justice environnementale dans les Amériques de s’exprimer et de faire leur travail. Alors que cette situation se détériore, le gouvernement canadien utilise de plus en plus ses services diplomatiques, son budget d’aide internationale, et ses politiques de commerce et d’investissement afin de promouvoir et favoriser les intérêts des sociétés minières canadiennes et d’influencer les décisions sur les projets d’extraction et les politiques connexes. La tendance à la répression et à la déréglementation au Canada afin de favoriser les projets d’exploitation minière, du pétrole et du gaz est compatible avec le modèle dont le gouvernement canadien fait la promotion à l’étranger.
Concluant avec une série d’idées et de recommandations pour discussion, le rapport vise à stimuler le débat et favoriser l’action créatrice afin de protéger la dissidence dans la défense de la terre et de l’environnement, et à questionner le rôle du Canada dans la promotion du modèle de développement économique sous-jacent qui place les communautés en situation de désavantage dangereuse.
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Photo : RSE et PED