9 février 2017
SOMO, le centre de recherche néerlandais sur les entreprises multinationales, et les ONG birmanes Action Labour Rights (ALR) et Labour Rights Defenders & Promoters (LRDP), viennent de publier le 5 février dernier un rapport « The Myanmar Dilemna. Can the Myanmar garment industry deliver decent jobs for workers ? » qui met en lumière les violations des droits humains dans le secteur de la confection textile au Myanmar (ex-Birmanie), récemment ouvert au commerce international et nouvel eldorado des grandes enseignes et marques européennes pour sa main d’œuvre à bas coût.
Après des décennies de dictature militaire et d’isolement économique par des sanctions internationales, le commerce avec le Myanmar connaît aujourd’hui une croissance rapide, notamment dans le secteur textile. Les bas salaires du pays et les conditions tarifaires favorables aux exportations font de cette fragile et naissante démocratie un centre mondial de la production de vêtements. Grandes et moins grandes marques et enseignes européennes d’habillement sont tentées d’en faire la prochaine escale de leur course vers le bas, sans scrupule vis-à-vis des mauvaises conditions de travail. Le développement de zones industrielles a également causé des violations du droit foncier.
SOMO, ALR et LRDP ont mené des enquêtes dans 12 usines qui fabriquent les vêtements pour des marques internationales telles que Muji, H&M, C&A ou Primark, et se fonde sur les témoignages de 400 travailleurs de ces usines dont une très large majorité de femmes. Ils se sont également entretenus avec des propriétaires d’usine, des représentants de marques de vêtements, d’initiatives multipartites, d’organisations d’employeurs, d’ONG et de syndicats locaux et internationaux. Le rapport rend compte des violations des droits fondamentaux au travail dans l’industrie du textile, de mauvaises conditions de travail, de bas salaires (50 euros par mois), d’heures supplémentaires impayées, de travail effectué par de jeunes travailleurs de 15 ans, de violations des droits d’organisation et de négociation collective et de la liberté syndicale, mais aussi de violations des droits fonciers par les militaires qui accaparent les terres agricoles pour y implanter de nouvelles zones industrielles textiles.
Si quelques travailleurs se risquent à porter plainte ou à dénoncer publiquement ces violations et leurs mauvaises conditions de travail, l’immense majorité d’entre eux subit en silence une exploitation quotidienne. Celle-ci tend à s’aggraver malgré la démocratisation naissante et la volonté du nouveau gouvernement de mettre en vigueur une législation qui respecte les normes internationales relatives aux droits humains, alors le pouvoir des militaires sur la société reste prépondérant dans tous les domaines et le risque de violations des droits fondamentaux est encore très élevé.
Les multinationales de l’habillement qui s’approvisionnent au Myanmar ont une responsabilité d’autant plus conséquente de s’assurer que leur activité ne contribue pas à l’aggravation d’une situation qui fragilise les travailleurs birmans. Leur activité économique et leur recherche du profit ne peut profiter d’Etats défaillants au sortir de situations politiques complexes. Plus qu’ailleurs, elle sont le devoir de mettre en oeuvre leur obligation de vigilance, en identifiant et en prévenant ces risques avant de commencer toute relation commerciale. Pourtant, comme le démontre le rapport « The Myanmar Dilemna », elles sont nombreuses à non seulement ignorer cette responsabilité mais aussi à sacrifier les droits sociaux fondamentaux à la recherche du profit.
Rapport, résumé et réponses des entreprises disponibles [en Anglais]