[rapport] La transparence à l’état brut – Décryptage de la transparence des entreprises extractives

13 avril 2017 - ONE, Oxfam, Sherpa [France]

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[communiqué de presse]

« Pour la première fois en 2016, les entreprises pétrolières, gazières et minières françaises ont publié tous les paiements (impôts, redevances etc) qu’elles versent aux gouvernements des pays où elles extraient des ressources naturelles [1].

Dans le rapport, La transparence à l’état brut – Décryptage de la transparence des entreprises extractives, publié aujourd’hui, One, Oxfam France et Sherpa, en collaboration avec le Basic, analysent les premières déclarations publiques des paiements aux gouvernements de six entreprises françaises des pays dans lesquels elles opèrent : Areva, EDF, Engie, Eramet, Maurel & Prom et Total. L’analyse de ces nouvelles données révèle notamment de potentielles pertes fiscales importantes sur l’activité de Total en Angola et d’Areva au Niger, deux pays parmi les plus pauvres du monde.

La transparence, un pas en avant essentiel

La publication de ces données représente avancée considérable, obtenue notamment grâce à la mobilisation des associations de la société civile, qui permet enfin de lever le voile sur les pratiques jusqu’à présent très opaques des entreprises extractives dans les pays en développement.

Riches en ressources naturelles, des pays parmi les plus pauvres au monde sont encore loin de bénéficier de manière équitable de l’exploitation de leurs ressources par les entreprises. En Angola, premier pays producteur de pétrole en Afrique, près d’un tiers de sa population vit encore en dessous du seuil de pauvreté.

La transparence joue donc un rôle essentiel pour garantir une juste répartition des revenus issus de l’exploitation de ces ressources naturelles et permettre ainsi aux pays les plus pauvres d’augmenter leurs revenus et financer leur développement.

Pour la première fois, ces nouvelles données publiées par les entreprises du secteur extractif permettent de repérer et dénoncer des éventuels cas de détournement, de corruption, ou d’évasion fiscale, comme le démontrent les cas de Total en Angola et Areva aux Niger.

Total en Angola : où sont les 100 millions de dollars ?

La première déclaration de paiements aux gouvernements de Total a permis de révéler un écart de plus de 100 millions de dollars entre les revenus déclarés par l’Angola en 2015 et les revenus déclarés par les entreprises, qui opèrent avec Total le plus gros champ pétrolier du pays. Une différence pour le moins surprenante ! Mais comment l’expliquer?

Nos trois ONG ont passé au crible les chiffres des déclarations et ont essayé de reconstruire le parcours du pétrole extrait par Total en Angola, de sa vente et des revenus générés… Sauf erreur de publication de l’une des parties, deux hypothèses sont possibles : la compagnie pétrolière angolaise aurait pu détourner une partie de ses revenus ou Total aurait appliqué un prix de vente du pétrole inférieur pour ses filiales, parvenant ainsi à réduire sa facture fiscale de 93 millions de dollars en 2015. Un manque à gagner considérable, dans un des pays les plus pauvre au monde, où 40% de la population n’a pas accès à l’électricité.

Areva au Niger : à qui profite (encore) l’uranium ?

Parmi les pays les plus pauvres au monde, le Niger est l’un des principaux pays où Areva et ses filiales extraient l’uranium. Pourtant, les données publiées par Areva en 2016 révèlent que l’entreprise est encore loin de contribuer à sa juste part pour l’exploitation de l’uranium nigérien. Si celui-ci représente près de 30 % de la production du groupe français, le Niger perçoit seulement 7 % des versements d’Areva aux pays producteurs.

En 2013, grâce à la mobilisation de citoyens au Niger, en France et partout dans le monde lors de la renégociation des contrats entre Areva et l’Etat du Niger, l’entreprise française avait été contrainte d’augmenter sa contribution au pour l’exploitation de l’uranium nigérien [2]. Trois ans plus tard, force est de constater qu’Areva ne paie toujours pas sa juste part. Comment cela est-il possible ?

En premier lieu, en en manœuvrant les prix de vente de l’uranium. La redevance que paie Areva au Niger est en effet calculée sur la base des revenus des mines, comme un pourcentage du prix de vente de l’uranium. Areva a réussi à renégocier à la baisse le prix de vente de l’uranium, pour faire baisser la redevance qu’elle doit au Niger. Ainsi, pour une production équivalente, Areva a payé une redevance inférieure en 2015 qu’en 2014, privant le pays de 15 millions d’euros.

En deuxième lieu, à travers des montages financiers entre maison mère et filiales, Areva serait parvenue à ne pas payer jusqu’à 30 millions d’euros d’impôts en 2015, soit 18% du budget de la santé du Niger, un pays où l’espérance de vie dépasse à peine 60 ans. »

[1] L’Union européenne (UE) a adopté en 2013 deux directives (comptable et transparence) obligeant les entreprises pétrolières, gazières et minières enregistrées et/ou cotées dans l’UE à publier chaque année les paiements effectués au profit des gouvernements dans lesquels elles ont des activités extractives. En décembre 2014, la France transpose alors en droit français ces directives. C’est ainsi que les entreprises extractives françaises ont publié pour la première fois, en 2016, leurs paiements aux gouvernements.

[2] En 2013, Oxfam et le ROTAB (Réseau des Organisations pour la Transparence et l’Analyse Budgétaire) ont lancé la campagne « Niger : à qui profite l’uranium ? » pour dénoncer le manque de contribution d’Areva au budget du Niger en contrepartie de l’exploitation d’uranium et demander la renégociation des contrats d’exploitation des mines. En cause notamment, le fait qu’Areva payait une redevance inférieure au taux applicable au Niger en vertu du code minier de 2006. Grâce à cette mobilisation, le nouveau contrat entre Areva et le gouvernement nigérien de 2014 prévoyait l’application du taux de redevance (paiement en contrepartie de l’exploitation de l’uranium) en vigueur au Niger.

Photo : RSE et PED

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