Pourquoi l’Afrique du Sud mène-t-elle le débat sur le Reporting Intégré ?

18 avril 2014 - www.RSE-et-PED.info - Auteur : Marion Dupont

Il y a un mois, je suis partie en vacances en Afrique du Sud pour la formation d’Al Gore sur le changement climatique à Johannesburg. J’en ai profité pour rencontrer les leaders locaux qui essayent de changer l’Afrique du Sud grâce à des politiques de Développement Durable et la RSE (Responsabilité Sociétale de l’Entreprise). Ce qui m’a particulièrement étonnée dans la douzaine d’entretiens passionnants que j’y ai faits, c’est que l’Afrique du Sud est un pays très avancé en matière de reporting non-financier. Je savais déjà, grâce au sondage KPMG sur le Reporting RSE en 2013, que le taux de reporting en Afrique du Sud pouvait atteindre 90% chez les grosses entreprises, ce qui est plus qu’en Allemagne ou aux États-Unis par exemple. Cependant, j’étais loin de me douter que non seulement les entreprises sud-africaines publient de très bons rapports RSE, mais sont en plus les leaders mondiales en matière de Reporting Intégré.

La raison principale, vous l’avez peut-être deviné, est évidemment la législation. Comme Paul Driwkman, PDG de l’IIRC (Comité International de l’Information Intégrée), le dit sans ses Réflexions sur le Reporting Intégré en Afrique du Sud : « Trouver un certain équilibre entre l’obligation et le volontarisme a aidé l’Afrique du Sud à faire décoller le Reporting Intégré. En Afrique du Sud, les entreprises cotées sont obligées de publier un Rapport Intégré sur la base du comply or explain. »

En effet, la dernière version de la série King (le code sud-africain pour la gouvernance d’entreprise) publiée en 2009 sous le nom « King III », encourage toutes les organisations (publiques, privées ou associatives) à publier un rapport regroupant leur stratégie, gouvernance et politique Développement Durable, introduisant la notion de « Reporting Intégré ». De plus, l’obligation de suivre « King III » a été imposée à toutes les entreprises cotées du JSE (Johannesburg Stock Exchange), ce qui a considérablement augmenté le nombre de rapports intégrés publiés dans le pays, jusqu’à 400 à ce jour.

Et pourtant, alors qu’un débat qui divise toujours partisans du Reporting Intégré et du Reporting RSE classique se poursuit toujours en Europe, comment se fait-il que le cas de l’Afrique du Sud ne soit jamais mentionné ? Quelles sont les bénéfices qu’ont trouvés les entreprises sud-africaines dans ce type de reporting ? La transition à partir du reporting RSE a-t-elle été facile ? Quelles bonnes pratiques pouvons-nous en tirer ? J’ai posé toutes ces questions aux consultants RSE du pays qui ont été assez gentils pour partager un café avec une novice française, et voilà leurs réponses…

Quelles sont les bénéfices que les entreprises sud-africaines ont trouvés dans le Reporting Intégré ?

L’une des expertes du reporting RSE en Afrique du Sud est sans conteste Reana Rossow, la fondatrice du cabinet de conseil Next Generation. Reana publie régulièrement d’intéressantes présentations sur son compte Slideshare, comme par exemple « Reporting Intégré et RSE : Quelle différence ? » ou encore « L’engagement des parties prenantes et le changement climatique ». Dans l’une des présentations qu’elle m’a envoyées, elle y présente les bénéfices dont elle a été témoin suite à l’implémentation d’un rapport intégré :

  • Une meilleure connexion entre les départements
    L’un des bénéfices les plus importants est de mieux connecter les équipes d’une organisation, abaisser les silos et amener à une réflexion elle aussi plus « intégrée ».
  • Une amélioration des processus internes menant à une meilleure compréhension de l’entreprise
    Les changements des processus amenés par le Reporting Intégré amènent une meilleure visibilité sur les activités de l’entreprise et aident à mieux comprendre comment l’organisation crée de la valeur au sens large du terme.
  • Une plus grande implication du top management
    Un glissement vers le Reporting Intégré suscite davantage l’intérêt et l’engagement du top management autour des enjeux de durabilité de l’entreprise sur le long-terme, ce qui les aide à avoir une vision plus holistique de l’organisation.
  • Une meilleure articulation entre la stratégie et le business model
    Une meilleure compréhension des activités de l’organisation permet à l’entreprise d’établir un business model holistique et aide à rationaliser les communications.
  • Plus de valeur pour les parties prenantes
    Les organisations commencent à identifier comment mesurer la valeur apportée aux parties prenantes via leurs rapports.

Quel a été l’impact de la législation ?

Selon Lloyd Mc Farlane, fondateur de GSA Campbell et du Good Business Framework :
« Quelques entreprises du JSE ont résisté et certaines ont même encore du mal à identifier les bénéfices du reporting intégré, cependant je pense que celles qui arrivent à embrasser cette approche globale commencent à voir leurs retours sur investissement. Le JSE n’est pas très critique sur la manière dont les entreprises devaient implémenter leurs premiers rapports intégrés. C’était une bonne chose car cela a permis aux entreprises de prendre confiance en elles et d’apprendre sans avoir peur de l’échec. »

Jaisheila Rajput, fondatrice de TOMA, complète bien la réponse de Lloyd en incluant l’impact dans les chaines d’approvisionnement :
« En plus d’augmenter le nombre d’entreprises produisant des rapports intégrés, la législation a eu des impacts conséquents au sein des chaines d’approvisionnement de ces entreprises qui ont dorénavant des pratiques plus vertueuses. Ce travail est cependant encore en cours auprès de nombreuses PMEs.»

Quelles bonnes pratiques pouvez-vous partager sur le processus de mise en place d’un rapport intégré ?

Jaisheila continue en expliquant :
« Le meilleur moment dans la mise en place d’un rapport intégré est lorsque l’entreprise réalise que le rapport met ostensiblement en avant la valeur créée, celle-ci n’étant pas uniquement limitée à l’aspect financier. Du point de vue stratégique, le reporting intégré peut aider les investisseurs à voir plus loin que le court terme pour comprendre le potentiel de l’entreprise sur le long terme. Cela vaut donc déjà le coup en soi. S’il est fait correctement, le rapport intégré peut aider à attirer et rassurer les investisseurs sur les pratiques responsables de l’entreprise. C’est la base d’une communication efficace avec les parties prenantes. »

Lloyd, de son côté, m’a partagé le point suivant :
« Je pense qu’une approche à contre-courant est la meilleure approche à avoir. Un rapport intégré n’est, par nature, pas fait pour être trop complexe et toutes les informations superficielles peuvent être abordées dans les annexes ou tables d’index. Commencez par détailler les éléments matériels et ajoutez de l’information uniquement quand c’est nécessaire pour illustrer le contexte.»

D’autres bonnes pratiques peuvent être trouvées dans la présentation de Reana au lien suivant.

Enfin, pourquoi n’entendons-nous pas plus parler de vos pratiques en Europe ?

Reana Rossow a son avis sur la question :
« Je pense que personne ne sait ce qui se passe en Afrique Noire, ni ne nous demande de partager nos expériences et notre savoir – nous ne sommes par exemple jamais cités dans les cas pratiques. Dans le même temps, nous ne cherchons pas non plus à partager notre expérience. Les sud-africains font juste ce qu’il y a à faire et passent moins de temps que d’autres à promouvoir ce qu’ils font. »

Et Jaisheila de conclure :
« Nous avons tendance à voir l’Europe comme un modèle, surtout que nous sommes relativement jeunes dans ce domaine. Nous ne nous reconnaissons pas assez de crédit et avons tendance à être trop critiques envers nos pratiques locales, recherchant des modèles ailleurs. Nous n’avons pas de système de reconnaissance local sur le Développement Durable qui nous aiderait à mettre en lumière nos innovations. Des entreprises comme KPMG sont cependant en train de prendre cette place en produisant des rapports de bonnes pratiques, des guides de mises en place du reporting intégré et des actions de support aux entreprises. »

Avez-vous l’impression que vous pourriez apprendre une chose ou deux de ces professionnels passionnés ? N’hésitez pas à les suivre sur Twitter et à partager leur histoire !

Pour plus d’informations sur ce qui se passe en matière de RSE en Afrique du Sud, je vous encourage à télécharger cette étude de Ernst & Young et à lire cet excellent article de Juanique : « Investigate Africa ».

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Contributeur(s)
Marion Dupont
Marion est en charge du Marketing chez Wizness et travaille plus précisément sur les liens entre RSE et réseaux sociaux. En parallèle, elle est bénévole au sein des Climate Leaders de Al Gore et [...]
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