[campagne et livre] Droit à un recours pour les victimes : Amnesty International appelle les entreprises à des changements radicaux

10 mars 2014 - Amnesty International

« Amnesty International a publié vendredi dernier une publication intitulée Injustice Incorporated: Corporate Abuses and the Human Right to Remedy afin de faire progresser le droit à un recours pour les victimes de violations des droits humains commises par des entreprises. Elle expose les problèmes mais avance également des solutions. Elle propose un manifeste pour le changement, un appel à rendre les personnes autonomes en s’appuyant sur le droit, et à corriger les dangereux déséquilibres rendus possibles par l’absence d’obligation de rendre des comptes pour les entreprises.

Les victimes de violations des droits humains se heurtent souvent à des obstacles lorsqu’elles cherchent à obtenir un recours. Ces difficultés sont d’autant plus importantes lorsque ces violations ont été commises par des entreprises transnationales. De par leur nature mondiale et leur pouvoir politique et financier, les sociétés transnationales posent des problèmes très spécifiques quant au droit à un recours effectif. Les législations et les politiques actuelles ne sont pas adaptées pour contrecarrer ces obstacles précis.

Injustice Incorporated décrit le combat pour la justice de communautés pauvres confrontées à de puissantes entreprises transnationales. En développant quatre cas emblématiques de violations des droits humains commises par des entreprises, cette publication démontre comment, en combinant leur pouvoir politique et financier à des obstacles juridiques précis, les entreprises parviennent à échapper à leurs responsabilités et à bafouer, ou saper considérablement, le droit des victimes à un recours. Elle souligne les difficultés à obtenir un recours dans l’État abritant le siège d’une entreprise transnationale pour des violations des droits humains commises dans un autre pays dans le cadre de ses activités. À travers ces cas, cette publication identifie et analyse trois obstacles majeurs : les freins juridiques aux procédures extraterritoriales, le manque d’informations et les relations entre entreprises et États. Elle formule des recommandations précises afin de lever tous ces obstacles, et appelle à un changement d’ordre juridique, politique et pratique.

Les quatre cas développés sont les suivants :

  • Bhopal : la fuite de gaz de 1984 et la contamination de l’environnement, toujours d’actualité.
  • Omaï : la rupture, en 1995, du système de confinement des déchets de la mine d’or d’Omaï au Guyana.
  • Ok Tedi : la rupture, en 1984, du système de confinement des déchets de la mine d’or et de cuivre d’Ok Tedi en Papouasie-Nouvelle-Guinée, et la contamination de l’environnement, toujours d’actualité.
  • Trafigura : le déversement de déchets toxiques à Abidjan, en Côte d’Ivoire, en 2006.

Dans tous ces cas, des personnes parmi les plus pauvres au monde ont affronté certaines des plus puissantes.

Elles ont osé le faire, malgré la détérioration de leur santé et la perte de leurs moyens de subsistance.

Personne n’a jamais pu mettre en doute les graves violations qu’elles avaient subies. Dans aucune de ces affaires il n’a pu être ne serait-ce que suggéré que les activités des entreprises n’avaient aucun lien avec les dégâts occasionnés. Pourtant, dans chacun de ces cas, les entreprises ont eu recours à une fiction juridique et ont usé de leur pouvoir politique afin de se soustraire à leurs responsabilités et d’empêcher les personnes d’obtenir un recours. Lorsqu’on y regarde de près, l’héroïsme de ceux qui ont lutté pour obtenir un recours est extraordinaire, et en regard, l’échec des États saisissant.

La publication conclut que pour combattre ces obstacles, certaines doctrines et présomptions juridiques largement répandues doivent être remises en question. Il est indispensable d’accorder plus d’attention aux manières d’amener les personnes à s’approprier le droit pour devenir autonomes et obtenir justice. Un renforcement de la coopération entre les États est indispensable. Cela passe non seulement par un partage des informations et des ressources techniques et financières, mais aussi par une coopération visant à amener les entreprises à rendre des comptes et à garantir des recours aux personnes. Les États doivent également être plus transparents dans leurs relations avec les entreprises.

La majorité des propositions de la publication consistent à développer des modèles existants ou en augmenter la portée. Une méthode radicale, mais uniquement dans le sens où il s’agit de reprendre ce qui a fonctionné pour en faire une solution systématique afin de protéger les droits humains.

Injustice Incorporated avance des propositions pour le changement dans trois domaines clés : les freins juridiques aux procédures extraterritoriales, le manque d’informations et les relations entre entreprises et États. Cette publication appelle à un changement juridique et politique afin de permettre d’amener plus facilement les sociétés mères à rendre des comptes pour des violations des droits humains commises dans le cadre de leurs activités mondiales. Elle appelle à des améliorations sensibles dans la publication d’informations sur les entreprises et les impacts de leurs activités en matière de droits humains, particulièrement lorsque des substances toxiques sont en jeu. Elle aborde également certains des aspects les plus problématiques des relations entre États et entreprises, notamment en appelant à la transparence concernant les rencontres entre le gouvernement et les entreprises.

Injustice Incorporated est le point de départ d’une campagne sur le long terme d’Amnesty International visant à obtenir un changement juridique et politique afin d’améliorer l’accès à la justice dans les cas de violations des droits humains commises par des entreprises.

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Photo : RSE et PED – Mine de soufre, Indonésie

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