Le géant minier américain Newmont échappe à la loi indonésienne

28 décembre 2015 - IPS - Article de Eve Schram traduit par RSE-et-PED.info
Mines

Article original paru sous le titre « American Mining Giant Escaped Indonesian Law with ISDS »
Traduction adaptée du site de l’IPS « Le géant minier américain Newmont échappe à la loi indonésienne »

La société minière américaine Newmont échappe à l’application des exigences de la loi minière de l’Indonésie de 2009. Elle atteint cet objectif en utilisant une clause dans un traité d’investissement néerlandais.

Introduction

Si vous voulez rendre votre pays en développement plus attractif pour les investisseurs étrangers, essayez en signant des traités bilatéraux d’investissement (TBI) avec les pays riches. Avec ces traités, les pays promettent de surveiller les investisseurs des uns et des autres.

Telle est l’idée dominante dans le monde. Jusqu’à présent. De plus en plus de pays découvrent que les TIB peuvent être très risqués. Comme l’Indonésie qui a reçu l’année dernière une demande de règlement de différends entre un investisseur et un pays (ISDS- Investor State Dispute Settlement) d’une compagnie minière américaine, qui a utilisé le traité d’investissement Indonésie-Pays-Bas pour obtenir l’exemption de certaines exigences légales.

Problème numéro un

« Notre point de vue sur les TBI a changé», déclare Abdulkadir Jaelani, directeur des affaires économiques et sociales du ministère indonésien des Affaires étrangères à Jakarta. « Ils semblent favoriser les investisseurs. Notre problème numéro un est l’ISDS « .

L’ISDS (règlement de différends entre un investisseur et un pays) est une clause dans les accords bilatéraux qui permet aux investisseurs de poursuivre un pays d’accueil si il juge qu’il a été traité injustement. L’investisseur demandera généralement une compensation financière à l’État d’accueil. Cette demande sera jugée par un panel de trois arbitres, nommés par l’investisseur et l’État. Le verdict est obligatoire.

L’Indonésie a reçu cinq de ces revendications au cours des dernières années. La compensation financière n’a pas toujours été le but. Une réclamation peut être utilisée par un investisseur pour bloquer la nouvelle législation.

L’Indonésie a commencé à mettre fin aux TBI l’année dernière. Le TBI Néerlandais a été l’un des premiers concerné.

Newmont

La demande la plus récente à l’encontre de l’Indonésie est venue de la société minière américaine Newmont à l’été 2014. Newmont exploitait une mine de cuivre sur l’île indonésienne de Sumbawa depuis 1999. Curieusement, une compensation financière ne semble jamais avoir été l’objectif de Newmont. «Je crois que Newmont a utilisé la clause d’arbitrage pour appliquer une licence d’exportation », a déclaré Bill Sullivan, conseiller juridique à Jakarta et expert de l’industrie minière indonésienne.

En 2009, le Parlement indonésien a voté une nouvelle loi minière afin de relancer l’industrie nationale de transformation. Chaque compagnie minière a dû construire une fonderie, une usine de transformation des minerais. « L’Indonésie est trop dépendante des ressources naturelles pour son économie », a dit Rani Fabrianti, chef de l’information juridique au Ministère des Mines et de l’énergie. « La loi sur les mines permet de développer une économie industrielle et finalement une économie axée sur le service. »

La Loi sur les mines obligeait les sociétés minières à construire une fonderie au plus tard le 12 Janvier 2014. Passé ce délai, le gouvernement devait promulguer une interdiction sur les exportations de minerais.

Le 11 Janvier 2014, certains secteurs miniers, dont le secteur du cuivre, ont fait l’objet d’un délai. Les compagnies minières de cuivre recevraient une licence d’exportation pour le concentré de cuivre, si elles montraient des progrès dans la construction de fonderies. Dans l’intervalle, le gouvernement indonésien a présenté les tarifs d’exportation sur le concentré de cuivre : de 25 pour cent en 2014 et jusqu’à 60 pour cent en 2017.

Les deux plus grandes sociétés extractives de cuivre implantées dans le pays, les sociétés américaines Freeport et Newmont, n’ont pas apprécié. Pourtant, Freeport est parvenu à un compromis avec le gouvernement peu après et a reçu sa licence d’exportation. La société a promis plus de 100 millions de dollars pour la construction d’une fonderie.

Difficile

Les négociations avec Newmont furent plus difficiles. La société a déclaré que construire une aluminerie ne serait pas «rentable» et que son contrat d’exploitation minière avec l’Indonésie remontant à 1986, elle n’était pas concernée par cette obligation.

Lorsque ses installations de stockage ont atteint leur limite, juste avant l’été 2014, Newmont en a appelé à la clause de « force majeure » de son contrat. Cela signifie que l’entreprise a dû arrêter la production pour des raisons indépendantes de son pouvoir. La clause de force majeure est généralement utilisée lorsque la zone du contrat est frappé par des catastrophes naturelles ou des conflits violents.

80 pour cent des 4000 employés de la mine Batu Hijau sur Sumbawa ont été envoyés en congé sans solde. Après cela, Newmont a déposé une demande de compensation financière auprès du gouvernement indonésien, à travers une entité d’affaires néerlandaise, citant le traité d’investissement entre l’Indonésie et les Pays-Bas. La société a été en mesure de le faire, parce que le gouvernement néerlandais n’exige pas des entreprises qu’elles aient une activité économique aux Pays-Bas pour l’utilisation de ces traités d’investissement.

Mais à peine deux mois plus tard, l’information comme quoi Newmont et le gouvernement indonésien ont trouvé un accord, est publiée. Newmont a reçu sa licence d’exportation et peut exporter à des tarifs significativement plus bas qu’avant: 7,55 en 2015 et 0 pour cent en 2017. De son côté, Newmont s’est engagé à investir 25 millions de dollars dans la fonderie que Freeport a commencé à construire et à annuler sa demande d’ISDS.

Satisfait

Jaelani a déclaré être satisfait du compromis : « Nous avons négocié une solution que nous préférons à l’ISDS ». Mais de nombreux indonésiens pensent différemment. Yani Sagaroa est un militant de l’exploitation minière de Sumbawa et est souvent consulté par le ministère des mines à Jakarta. Il blâme le gouvernement pour incohérence. « Newmont aurait dû construire une fonderie entre 2009 et 2014, mais ne l’a pas fait. Et pourtant, ils peuvent exporter du cuivre », a-t-il dit. « Ils ne respectent pas la loi. »

En Octobre 2015, Newmont répondait aux questions sur la fonderie en disant qu’elle était encore en négociation avec Freeport.

Pendant ce temps, l’Indonésie est en train d’écrire un nouveau texte de modèle pour ses traités d’investissement, sur lequel les journalistes néerlandais ont mis la main. L’un des changements le plus notable est que l’Indonésie n’acceptera que les ISDS consentis préalablement par écrit, au cas par cas. Cela signifie que les entreprises ne pourront jamais l’utiliser comme un outil de menace ou de négociation. Est-ce que les pays occidentaux sont prêts à avaler cette rupture radicale avec la pratique actuelle ? Cela reste à voir.

Photo : RSE et PED

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