Intervention de M. Michel Doucin, ambassadeur français chargé de la RSE – Singapore CSR Summit

Intervention de M. Michel Doucin, ambassadeur chargé de la responsabilité sociale des entreprises – France

Singapore CSR Summit – 28 Septembre 2012

 

Pourquoi l’Union européenne s’est-elle dotée d’une politique de responsabilité sociale des entreprises ?

La politique européenne en matière de responsabilité sociale des entreprises a débuté en 2001 avec le Livre Vert consacré à ce sujet, suivie, l’année d’après d’une première communication. L’an dernier, le 25 octobre, la Commission européenne a publié une troisième communication sur ce thème. Elle s’intitule « Une stratégie européenne rénovée pour 2011-14 pour la responsabilité sociale des entreprises ».

Je vais commenter pour vous ce document très intéressant car la plupart des réponses à la question que vous m’avez invité à traiter s’y trouvent. Je me propose d’examiner les arguments que ce texte met lui-même en avant, puis la nouvelle définition que la Commission propose, qui contient un argument supplémentaire, et ensuite les composantes du Plan d’Action annoncé, méthodologie  qui a, depuis, commencé d’être mise en œuvre…

  1. I.               Les arguments présentés pour justifier une politique européenne de la RSE

Les raisons invoquées à l’appui d’une “Stratégie pour la RSE” sont principalement au nombre de quatre :

  1. « Avoir une politique de responsabilité sociale des entreprises est de l’intérêt des entreprises »

Cette phrase est le premier intertitre apparaissant dans l’introduction de la communication. Il est développé de la façon suivante :

« La mise en place d’une approche stratégique de la RSE devient de plus en plus importante pour la compétitivité des entreprises. Une telle démarche peut leur être profitable sur le plan de la gestion des risques, de la réduction des coûts, de l’accès au capital, des relations avec la clientèle, de la gestion des ressources humaines et de la capacité d’innovation.

« La RSE leur imposant de s’engager auprès de parties prenantes internes et externes, les entreprises peuvent mieux anticiper et mettre à profit l’évolution des attentes de la société et des conditions d’activité. La RSE peut par conséquent stimuler le développement de nouveaux marchés et créer des perspectives de croissance.

« En se préoccupant de leur responsabilité sociale, les entreprises peuvent construire une relation de confiance à long terme vis-à-vis de leurs employés, des consommateurs et des citoyens, sur laquelle elles peuvent asseoir des modèles d’entreprises durables. Des niveaux de confiance plus élevés favorisent, par voie de conséquence, l’émergence d’un environnement au sein duquel les entreprises peuvent innover et se développer.

« En adoptant un comportement responsable socialement, les entreprises peuvent contribuer de manière significative à atteindre les objectifs fixés par le traité sur l’Union européenne d’œuvrer pour le développement durable et une économie sociale de marché hautement compétitive. La RSE s’inscrit dans le droit fil des objectifs de la stratégie Europe 2020 pour une croissance intelligente, durable et inclusive, notamment celui de parvenir à un taux d’emploi de 75 %. Il est particulièrement important que les entreprises se conduisent de manière responsable lorsque ce sont des opérateurs du secteur privé qui fournissent des services publics. Les efforts consentis par ces dernières pour atténuer les conséquences sociales de la crise économique actuelle, y compris au niveau des pertes d’emplois, font partie de la responsabilité sociale des entreprises. La RSE propose un socle de valeurs sur lequel bâtir une société plus solidaire et sur lequel fonder la transition vers un système économique durable. »

La vision de la RSE que la Commission exprime dans ces phrases est celle d’un outil de management plus efficient produisant une productivité accrue grâce à l’implication des employés dans la réalisation des valeurs de l’entreprise.

  1. Restaurer la confiance des citoyens européens affectés par la crise économique

La Commission explique :

« La crise économique et ses conséquences sociales ont quelque peu mis à mal la confiance des consommateurs et le degré de confiance dans les entreprises. Elles ont cristallisé l’attention du public sur la performance sociale et éthique des entreprises (…). Il y a souvent un décalage entre les attentes des citoyens et ce qui leur semble être la réalité du comportement des entreprises. Ce décalage s’explique en partie par le comportement irresponsable de certaines entreprises ainsi que par la façon dont certaines entreprises exagèrent leurs mérites dans le domaine environnemental ou social. Il s’explique parfois par la compréhension lacunaire que certaines entreprises ont des attentes de la société en rapide évolution et par la connaissance insuffisante que les citoyens ont des réalisations des entreprises et des contraintes qui leur sont imposées. »

Partout dans le monde, en effet, un grand nombre de personnes, donc des personnes à faible revenue, ont perdu une grande partie de leurs économies. De multiples scandales ont affecté la confiance dans les entreprises. Or sans confiance, les marchés ne fonctionnent pas. La RSE est envisagée par la Commission européenne comme l’une des voies pour restaurer la confiance.

  1. Bâtir une approche harmonisée de la RSE en Europe

La Commission observe que  « sur les 27 États membres de l’UE, 15 sont dotés de cadres stratégiques nationaux visant à promouvoir la RSE. Cela pourrait faire apparaître « le risque que des approches divergentes n’occasionnent des coûts supplémentaires aux entreprises qui exercent leurs activités dans plus d’un État membre. »

Cette observation avait été faite par le gouvernement français pendant sa présidence de l’Union européenne, à la fin de l’année 2008. La France et le Danemark avaient adopté des réglementations pour le reporting non-financier, tandis que les Pays Bas avaient préféré faire évaluer les rapports de leurs plus grandes entreprises par des universitaires et présenter officiellement les résultats de cette évaluation par le ministère de l’économie dans un Transparency Benchmark. Dans quelques pays, des incitations fiscales pour les pratiques de RSE étaient aussi apparues. Dans 25 des 27 Etats membres de l’UE appartenant aussi à l’OCDE, les Points de Contact Nationaux de l’OCDE créés en 2001 pour la mise en œuvre des Principes directeurs de l’OCDE pour les entreprises multinationales  avaient commencé de travailler selon des méthodes très différentes, adoptant des conclusions divergentes pour des plaintes analogues. Et cetera. Un risque de balkanisation de l’Europe était apparu.

La France avait demandé à la Commission, pendant sa présidence, de prendre une initiative en sorte d’harmoniser ces amorces de politiques, en commençant par la question du reporting. Elle a été entendue : cette communication fait face au problème.

  1. Contribuer au respect des normes internationales en matière de droits fondamentaux

La Commission annonce clairement son intention de « Rapprocher les conceptions européenne et mondiale de la RSE. » Que veut-elle dire par là ?  « L’Union devrait défendre les intérêts européens dans le contexte de l’élaboration de mesures internationales en matière de RSE, tout en assurant l’intégration des principes et lignes directrices internationalement reconnus dans ses propres politiques en la matière.(…) Soucieuse de favoriser  l’harmonisation des «règles du jeu» à l’échelle mondiale, la  Commission entend renforcer sa coopération avec les États membres, les pays partenaires et les instances internationales compétentes afin d’encourager le respect des principes et lignes directrices afférents à la RSE qui sont internationalement reconnus et de favoriser leur cohérence. »

Ensuite, sont citées les normes internationales que l’UE entend soutenir et promouvoir au plan international : les Principes directeurs de l’OCDE pour les entreprises multinationales, ISO 26000, le Pacte Mondial,  la Déclaration tripartite de l’OIT sur les entreprises sur les principes concernent les entreprises multinationales et la politique sociale et, dans un paragraphe distinct, les Principes directeurs des Nations Unies sur les droits de l’Homme et les entreprises.

La plupart de ces normes internationales ont été créées ou élaborées au cours de ces trois dernières années. Elles partagent des caractéristiques communes qui constituent une sorte de révolution : alors que, jusque récemment, la RSE était considérée comme relevant du seul domaine du volontarisme et n’impliquant pas d’autres obligations que de respecter la loi locale, toutes ces normes insistent sur la nécessité de respecter les traités internationaux largement reconnus dans les domaines du travail, des droits de l’Homme, de la lutte contre la corruption et de la protection de l’environnement.

Par exemple, les Principes de l’OCDE stipulent, dans leur chapitre 2 : « Les entreprises devraient (…) respecter les droits de l’homme internationalement reconnus vis-à-vis des personnes affectées par leurs activités. » ; dans le chapitre 5, leur « commentaire » explique : « L’Organisation internationale du travail (OIT) est l’organe compétent pour établir les normes internationales du travail et s’en occuper et pour promouvoir les droits fondamentaux au travail tels qu’ils sont reconnus dans la Déclaration de l’OIT de 1998 sur les principes et droits fondamentaux au travail. Les Principes directeurs, en tant qu’instrument non contraignant, ont un rôle à jouer pour promouvoir l’observation de ces normes et principes par les entreprises multinationales. Les Principes directeurs reflètent les dispositions pertinentes de la Déclaration de 1998 ainsi que de la Déclaration de principes tripartite de l’OIT de 1977 sur les entreprises multinationales et la politique sociale (révisée pour la dernière fois en 2006) (la « Déclaration de l’OIT sur les entreprises multinationales » (…) Les Principes directeurs de l’OCDE et la Déclaration de l’OIT sur les entreprises multinationales ont trait à la conduite attendue des entreprises, et s’inscrivent en parallèle et non en contradiction ». Et le « commentaire » du chapitre 7 affirme : « La Convention des Nations Unies contre la corruption, qui est entrée en vigueur le 14 décembre 2009, contient un large éventail de normes, de mesures et de règles destinées à lutter contre la corruption. Les États parties à cette Convention des Nations Unies doivent interdire à leurs agents publics de recevoir des pots-de-vin et à leurs entreprises de verser des pots-de-vin à des agents publics de leur pays, ainsi qu’à des agents publics étrangers ou à des agents appartenant à des organisations internationales publiques, et envisager par ailleurs de refuser la corruption entre acteurs du secteur privé. La Convention des Nations Unies et la Convention de l’OCDE sur la lutte contre la corruption se renforcent mutuellement et sont complémentaires ».

Les Principes directeurs pour les droits de l’Homme et les entreprises font aussi référence à de tels traités internationaux, dont certains font partie du domaine du droit dur : «  La responsabilité des entreprises de respecter les droits de l’homme porte sur les droits de l’homme internationalement reconnus − à savoir, au minimum, ceux figurant dans la Charte internationale des droits de l’homme et les principes concernant les droits fondamentaux énoncés dans la Déclaration relative aux principes et droits fondamentaux au travail de l’Organisation internationale du Travail. » De même d’ISO 26000.

C’est ici que se réalise la révolution : la RSE n’est plus seulement de l’ordre de la soft law.

En écho à cette affirmation, la communication de la Commission déclare : « Pour les entreprises qui, en matière de RSE, visent une approche formelle, notamment les grandes entreprises, des principes et des orientations reconnus internationalement donnent des indications qui font autorité, en particulier les principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales, récemment mis à jour, les dix principes définis dans le Pacte mondial des entreprises (Global Compact) des Nations unies, la norme d’orientation sur la responsabilité sociale ISO 26000, la déclaration de principes tripartite de l’OIT sur les principes concernant les entreprises multinationales et la politique sociale, et les principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme. Cet ensemble de principes et d’orientations reconnus internationalement constitue pour la RSE un cadre mondial évolutif, qui a été récemment renforcé. La politique européenne visant à promouvoir la RSE devra être pleinement compatible avec ce cadre. » Notez bien l’expression  ensemble de principes et d’orientations reconnus internationalement constituant un cadre mondial évolutif récemment renforcé.

Les raisons expliquant cette déclaration sont principalement au nombre de deux : le souci de répondre aux préoccupations des entreprises européennes qui protestent que les réglementations européennes concernant la RSE pourraient faire peser sur elles  des charges insupportables. L’alignement sur des normes universellement reconnues est de nature à restaurer des conditions équitables de concurrence. La seconde raison est que les traités universellement reconnus reflètent les valeurs fondamentales de l’Europe. Une politique de RSE fondée sur ces traités est un chemin pour  la promotion de ces valeurs : respect de l’environnement, droits sociaux,  droits de l’Homme, pratique honnête des affaires, etc.

Telles sont les quatre raisons premières justifiant une politique européenne dans un domaine qui, jusque récemment, était considéré comme relevant exclusivement de la sphère privée : la RSE.

Voyons maintenant la nouvelle définition de la RSE présentée par la Commission dès le début de sa communication, et sa portée.

II.              Une nouvelle définition porteuse de signification

La communication déclare: « La Commission propose de redéfinir la RSE comme étant «la responsabilité des entreprises vis-à-vis des effets qu’elles exercent sur la société». Pour assumer cette responsabilité, il faut au préalable que les entreprises respectent la législation en vigueur et les conventions collectives conclues entre partenaires sociaux. Afin de s’acquitter pleinement de leur responsabilité sociale, il convient que les entreprises aient engagé, en collaboration étroite avec leurs parties prenantes, un processus destiné à intégrer les préoccupations en matière sociale, environnementale, éthique, de droits de l’homme et de consommateurs dans leurs activités commerciales et leur stratégie de base, ce processus visant :

– à optimiser la création d’une communauté de valeurs pour leurs propriétaires/actionnaires, ainsi que pour les autres parties prenantes et l’ensemble de la société ;

– à recenser, prévenir et atténuer les effets négatifs potentiels que les entreprises peuvent exercer. (…) Afin de recenser, prévenir et atténuer les effets négatifs potentiels qu’elles pourraient avoir, les grandes entreprises et les entreprises particulièrement exposées au risque d’avoir ce type d’effets, sont incitées à faire preuve de la diligence qui s’impose en fonction des risques, y compris dans leurs chaînes d’approvisionnement. »

Cette définition est, première remarque, alignée sur celle d’ISO 26000 : « La responsabilité sociale des entreprises est la maîtrise par une organisation des impacts de ses décisions et activités sur la société et sur l’environnement, se traduisant par un comportement éthique et transparent qui – contribue au développement durable, y compris à la santé et au bien-être de la société ; – prend en compte les attentes des parties prenantes ; – respecte les lois en vigueur tout en étant en cohérence avec les normes internationales de comportement ; – et qui est intégré dans l’ensemble de l’organisation et mis en œuvre dans ses relations. »

L’expression normes internationales de comportement choisie par ISO 26000 signifie traités largement ratifiés par la communauté internationale. La nouvelle définition de l’UE est claire à cet égard car elle cite des normes qui font explicitement référence à des traités, en  cohérence avec l’objectif de contribuer au respect des normes internationales relatives aux droits fondamentaux. Elle confirme bien l’évolution de la RSE vers le droit dur.

Enfin, la phrase  il faut au préalable que les entreprises respectent la législation en vigueur et les conventions collectives conclues entre partenaires sociaux, souligne que l’Union européenne est le projet partagé par 27 pays de construire une économie sociale de marché. En cela, la RSE européenne se différencie nettement de la conception dominante qui tend à ignorer la négociation collective et à ranger les partenaires sociaux dans le vaste sac indifférencié des parties-prenantes.

S’affirme ainsi une cinquième raison pour que l’Europe s’engage dans une politique RSE :  celle-ci est une voie pour la réalisation de l’économie sociale de marché. « La Commission (…) reconnaît que la RSE contribue au et dynamise le dialogue social », proclame la communication.

  1. Un Agenda pour l’action : une méthode pour stimuler le développement de la RSE.

La communication inclut un Agenda pour l’action 2011-2014. Il traduit en programmes les cinq raisons que nous avons identifiées. Pour faire court, on peut classer ces programmes en trois catégories :

  1. Demande est adressée aux Etats d’élaborer deux plans d’action

Avant de décrire ce que sont ces deux plans, je voudrais répondre à une question que la plupart d’entre vous avez sans doute en tête : « Pourquoi un Etat devrait-il établir des « plans » dans un domaine habituellement considéré comme privé car reposant sur la libre décision, la bonne volonté, du management de l’entreprise ? »

Comme vous le savez, on considère généralement que la RSE est la réalisation par l’entreprise de ses responsabilités au regard du développement durable. ISO 26000 explique, par exemple, qu’« un comportement transparent et éthique contribue au développement durable ». La définition la plus célèbre du développement durable se trouve dans le rapport de Gro Brundtland de 1987 : « Un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à satisfaire les leurs. » Puis-je me permettre une question ? « Qui a la légitimité pour prendre en charge les intérêts des “générations futures » ? Ne pensez-vous pas qu’il n’est pas de meilleure réponse que : l’Etat ?

La communication explique cela en soulignant le rôle éducatif des autorités publiques vis-à-vis des jeunes générations : « Les États membres peuvent jouer un rôle important à cet égard en encourageant les établissements d’enseignement à intégrer la RSE, le développement durable et la citoyenneté responsable dans les programmes appropriés, tant à l’échelon de l’enseignement secondaire qu’à l’échelon universitaire. »

La Commission ajoute : « Les pouvoirs publics devraient avoir un rôle de soutien en combinant intelligemment des mesures politiques facultatives et, le cas échéant, des dispositions réglementaires complémentaires, afin par exemple de favoriser la transparence, de créer des mécanismes de marché qui incitent à une conduite responsable des affaires, et de responsabiliser les entreprises ». Parmi ces mesures, les marchés publics (18 % du PIB Européen) devraient être rendus socialement responsables  « pour aider les entreprises sous-représentées, telles les PME, à avoir accès à ces marchés. »

Les Etats Européens sont invités à élaborer deux types de plans : l’un, le plan national de la RSE, vise à  « promouvoir la RSE dans le contexte de la mise en œuvre de la stratégie Europe 2020, en y faisant référence aux principes et lignes directrices internationalement reconnus en matière de RSE et en tenant compte des questions soulevées dans la présente communication.» Les 27 plans nationaux d’action pour la RSE seront utilisés comme base pour des exercices de peer-learning entre pays, avec comme objectif de promouvoir les bonnes pratiques ainsi que d’identifier les initiatives susceptibles de créer des difficultés ou de la complexité inutiles handicapant les entreprises.

Il est aussi demandé des « plans nationaux de mise en application des principes directeurs des Nations unies (sur les droits de l’Homme et les entreprises ) ».  Car la Commission souhaite que l’Europe soit exemplaire dans ce domaine et contribue à la réalisation des  « objectifs de l’Union relatifs à des questions spécifiques afférentes aux droits de l’homme et à des normes fondamentales en matière de travail, y compris en ce qui concerne le travail des enfants, les travaux forcés, le trafic des êtres humains, l’égalité des sexes, la  non-discrimination, la liberté d’association et le droit à la négociation collective. »

  1. Un nombre limité de lois européennes

La légitimité reconnue aux Etats dans la stimulation des comportements privés de type RSE s’applique aussi à l’Union Européenne elle-même. Mais la Commission considère que son rôle normatif doit être limité aux circonstances où les entreprises ne trouvent pas spontanément le juste chemin et où les Etats risquent d’être sources d’incohérences. Ces cas sont :

– Les marchés publics, car les Etats ont aussi à « respecter des dispositions du traité relatives à la non-discrimination, à l’égalité de traitement et à la transparence. » On ne peut donc laisser les Etats les réglementer seuls.

– « La communication par les entreprises d’informations sociales et environnementales, y compris d’informations relatives au climat, » car, comme « plusieurs États membres ont instauré des obligations en matière de communication d’informations de nature non financière qui vont au-delà des dispositions législatives européennes existantes, il n’est pas exclu que l’existence d’obligations nationales différentes entraîne des coûts supplémentaires pour les entreprises actives dans plusieurs États membres. » En réponse à ce danger, « afin de garantir des règles égales pour tous, la Commission va présenter, comme elle l’a annoncé dans l’Acte pour le marché unique, une proposition législative sur la transparence des informations sociales et environnementales fournies par les sociétés de tous les secteurs. »

La transparence est, aux yeux de la Commission, un « élément important de responsabilisation qui peut contribuer à inciter le public à avoir davantage confiance dans les entreprises. Pour satisfaire les besoins des entreprises et des autres parties prenantes, les informations devraient être pertinentes et pouvoir être collectées efficacement sur le plan des coûts. » Elle « peut faciliter leur coopération avec d’autres parties prenantes et la détection de risques importants pour la durabilité ».

En outre, la Commission a l’intention « d’examiner la possibilité d’imposer à tous les fonds d’investissement et institutions financières l’obligation d’informer tous leurs clients (citoyens, entreprises, pouvoirs publics, etc.) de tous les critères qu’ils appliquent en matière d’investissement éthique ou responsable et de toutes les normes et tous les codes auxquels ils adhèrent”, afin de « rendre le système financier plus responsable et plus transparent. »

– Afin de protéger les consommateurs, une préoccupation au cœur des compétences de l’UE, la Commission entend aussi « aborder la question des pratiques commerciales trompeuses en rapport avec les effets environnementaux des produits (l’écoblanchiment) dans le contexte du rapport sur l’application de la directive sur les pratiques commerciales déloyales prévu pour 2012, et d’étudier la nécessité de prendre des mesures spécifiques en la matière.”

  1. Une série de chantiers multi-acteurs proposés et financés par la Commission

La méthode n’est pas nouvelle : dès 2002, la Commission a lancé, avec l’Alliance, une organisation chargée de stimuler des dialogues constructifs entre entreprises, syndicats et ONG.

Dans sa communication de 2011, la Commission propose plusieurs chantiers :

–       Elle « accordera la priorité aux stratégies sectorielles et à la diffusion des pratiques responsables en matière de conduite professionnelle tout au long de la chaîne d’approvisionnement ». A cette fin, seront créées, « en 2013, des plateformes RSE plurilatérales dans un certain nombre de secteurs industriels importants, le but étant que les entreprises, leurs travailleurs et les autres parties prenantes qui en feront partie prennent des engagements publics sur des questions de RSE présentant de l’intérêt pour chaque secteur et assurent ensemble le suivi des progrès. » Un appel à proposition a été lancé à cette fin.

–       En outre, la Commission « collaborer(a) avec les entreprises et les autres parties prenantes en 2012 en vue d’élaborer des recommandations en matière de droits de l’homme à l’intention d’un nombre limité de secteurs industriels concernés ainsi que des recommandations destinées aux petites et moyennes entreprises, en s’inspirant des principes directeurs des Nations unies. » Trois ont, depuis la publication, été choisis ; pétrole-gaz, technologies de communication, travail temporaire, objets d’études préliminaires.

D’autres chantiers sont  proposés :

–       « soumettre à un suivi les entreprises européennes comptant plus de mille salariés qui se sont engagées à tenir compte des principes et lignes directrices internationalement reconnus en matière de RSE et de la norme ISO 26000 contenant des lignes directrices relatives à la responsabilité sociétale. »

–       « engager, en 2012, avec les entreprises et les autres parties prenantes, un processus d’élaboration d’un code de bonnes pratiques en matière d’autorégulation et de corégulation, le but étant d’améliorer l’efficacité du processus RSE. »

–       « organiser un débat public avec les citoyens, les entreprises et les autres parties prenantes sur le rôle et le potentiel des entreprises au XXIe siècle, le but étant de susciter une compréhension et des attentes communes, et de faire régulièrement des études sur la confiance que les entreprises inspirent aux citoyens et sur les comportements en matière de RSE. »

–       « mettre en place, à partir de 2012, un système européen de récompenses pour les partenariats RSE entre entreprises et autres parties prenantes. » Il consistera essentiellement à l’appui à l’émergence de prix de la RSE dans les pays où cela n’existe pas encore, et en la mise en réseau des prix existants.

 

Remarques conclusives

La vision européenne basée sur la confiance en la capacité du management des entreprises utilisant les méthodes de la RSE de déclencher des changements profonds susceptibles d’aider les entreprises européennes à surmonter la crise en gagnant en productivité et en amenant un retour de la confiance des consommateurs et des épargnants. . Mais aussi, « la RSE propose un socle de valeurs sur lequel bâtir une société plus solidaire et sur lequel fonder la transition vers un système économique durable. »

Pragmatiques, les dirigeants européens constatent un besoin d’effort collectif mobilisant toutes les forces sociales, économiques et politiques. Ce que la Commission appelle un smart mix au service de la responsabilité sociale des entreprises, c’est l’engagement commun espéré des autorités publiques et des acteurs privés d’agir ensemble pour la réalisation de cet objectif.

 

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