#FaitesPaslAutruche : campagne web pour combler le vide juridique sur la responsabilité mère-filiales

Amnesty International France lance le 23 septembre prochain la campagne #FaitesPaslAutruche pour mettre un coup de projecteur sur le vide juridique entourant la responsabilité des entreprises multinationales quant aux violations des droits humains perpétrées par leurs filiales et sous-traitants, et pour interpeller les décideurs, alors qu’une proposition de loi dort à l’Assemblée nationale. Amnesty International appelle la France à y remédier.

Pollution pétrolière au Nigeria, déversements de déchets toxiques en Côte d’Ivoire, fuite de gaz mortel en Inde*… les violations des droits humains commises par certaines multinationales implantées sur plusieurs territoires se font en toute impunité et les victimes n’obtiennent que rarement réparation. En effet, selon le droit des sociétés, chaque entité nationale est juridiquement indépendante des autres. Ainsi, le siège d’une multinationale peut se dégager de ses responsabilités, notamment en matière d’atteinte aux droits humains, en n’assumant pas les actes de ses partenaires commerciaux.

Pour expliquer la problématique complexe de la chaîne de responsabilité entre l’entreprise-mère et ses filiales et sous-traitants basés à l’étranger, l’agence Adesias, spécialisée dans les vidéos d’animation pédagogique (connue notamment pour leur vidéo sur la Génération Y), a développé avec Amnesty International France un film d’animation de 2min30, avec la voix de Lambert Wilson, qui sera relayé sur le mini-site www.faitespaslautruche.org (en ligne le 23/09) et relayé sur les réseaux sociaux.

Parallèlement, le jour du lancement, une équipe d’Amnesty International France se rendra sur les lieux symboliques de la capitale (Bercy, la Défense, l’Assemblée nationale) avec deux autruches grandeur nature, la tête dans le sol, pour interpeller dirigeants et entreprises.

 

INFORMATIONS COMPLÉMENTAIRES

Des entreprises transnationales hors de contrôle

L’un des obstacles identifié de façon récurrente qui empêche les victimes d’obtenir réparation et permet aux entreprises d’éviter de rendre des comptes est la nature transnationale de ces entreprises.
Le droit des sociétés organise en effet une responsabilité limitée entre chaque entité d’un groupe transnational de sociétés. Chaque partie du groupe est ainsi juridiquement indépendante des autres. Cette construction juridique a permis à certaines grandes entreprises transnationales de fuir leurs responsabilités et d’agir en toute impunité malgré des violations des droits humains et des dégâts environnementaux.
Un contrepoids est absolument nécessaire afin de protéger les populations et de faire respecter le cadre international relatif aux droits humains. Un devoir de vigilance doit être imposé aux sociétés mères vis-à-vis de ceux qui ont pu ou peuvent être touchés par leurs activités internationales.
Les normes internationales reflètent progressivement une meilleure appréhension de la réalité de ces groupes transnationaux d’entreprises et de l’influence de la société mère sur les politiques et les pratiques du groupe dans son ensemble. Approuvés en 2011, les Principes directeurs du Conseil des droits de l’Homme des Nations unies obligent ainsi les entreprises à mettre en place des procédures pour identifier les incidences de leurs activités sur les droits humains, les prévenir, en atténuer les effets et rendre compte de celles-ci. Mais cette réalité ne se traduit que très inégalement dans la législation. Après l’adoption de ce cadre au niveau international, l’étape cruciale est désormais celle de son adaptation au droit national.

Le cas français

Le droit français des sociétés tel qu’il est aujourd’hui conçu (principes de l’autonomie juridique de chacune des entités composant un groupe de sociétés et responsabilité limitée de l’actionnaire), néglige la réalité transnationale de certaines entreprises. Il ne permet pas d’invoquer la responsabilité juridique d’une société-mère basée en France pour les agissements de ses filiales et/ou sous-traitants à l’étranger. Cette séparation juridique empêche également les victimes d’atteintes aux droits humains d’obtenir justice en France. La France doit donc introduire dans sa législation une obligation de vigilance des sociétés basées en France relative aux activités de leurs filiales et sous-traitants à l’étranger.

Une proposition de loi en attente

En novembre 2013, quatre groupes parlementaires ont déposé à l’Assemblée nationale une proposition de loi** «relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre». Cette proposition incite notamment la France à adapter en droit français les Principes directeurs des Nations unies sur les entreprises et les droits de l’homme et donc à imposer un devoir de vigilance aux sociétés mères vis-à-vis de leurs partenaires commerciaux, ce qui va – globalement – dans le sens des propositions d’Amnesty International.

* http://www.amnesty.fr/AI-en-action/Lutter-contre-la-pauvrete/Acteurs-economiques/Actualites

**Voir http://www.assemblee-nationale.fr/14/pdf/propositions/pion1524.pdf et http://www.assemblee-nationale.fr/14/propositions/pion1519.asp

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