ÉVÉNEMENTS EN LIGNE

COMPTE-RENDU WEBINAIRE
RSE dans le secteur minier en Afrique : enjeux et opportunités des révisions des codes miniers

Le 1 février 2016 - ,

Compte-rendu

Nous avons entendu lors de ce webinaire trois hommes africains respectivement Congolais (RDC), Sénégalais et Burkinabais investis au sein de la société civile dans le processus de révision du code minier de leur pays. Leurs interventions nous ont permis de mieux comprendre les enjeux humains et environnementaux qui se jouent dans la révision de ces codes et l’implication de la société civile très importante pour sensibiliser les autorités publiques et privés dans la prise en compte du respect des droits humains et de la protection de l’environnement.

Dans l’ensemble, la société civile semble s’est investie et a pris part dans le processus de révision des codes miniers de ces pays dont les processus sont longs et conflictuels entre les différentes parties prenantes (gouvernements, sociétés minières et leurs fédérations, sociétés civiles dont de nombreuses ONG). Il faut souvent plusieurs réunions, forums et concertations avant de trouver un consensus. Le statut final des codes reste encore incertain, dans des pays au contexte très différent. Au Sénégal, les ONG ont bien failli ne pas être écoutées tandis qu’elles ne se sont pas laissées faire et ont mis au point un outil de plaidoyer pour promouvoir auprès du gouvernement Sénégalais pour le nouveau code minier et la mise en place d’une grille de compensation pour les déplacements. Cette grille prévoit une compensation financière en fonction des dommages affectant les populations déplacées du Sénégal subis à cause de l’exploitation minière. La loi reste à voter par l’Assemblée nationale . Tandis que l’Insurrection populaire qui a eu lieu au Burkina Faso a permis paradoxalement d’accélérer le processus de révision du code minier dans le respect et l’écoute de chaque partie prenante. Un processus qui s’est terminé le 26 juin 2015 dernier. En RDC, le nouveau code minier fut proclamé en mars 2015 mais il n’est pas encore officiellement adopté (en discussion au Parlement), et le gouvernement semble tergiverser.

Enjeux principaux :

  • Inclure dans les nouveaux codes miniers une meilleure prise en compte des droits des communautés et des droits de l’Homme relatifs aux délocalisations et relocalisation, ainsi que du travail des enfants.
  • Revoir le système fiscal des mines qui apportent aujourd’hui plus de bénéfices aux entreprises qu’aux gouvernements.
  • Sensibiliser les entreprises et les services publics sur ces questions et aller vers une plus grande responsabilité des entreprises (notamment avec la mise en place de l’ISO26000).

Opportunités :

La mise en place de ces processus de révision des codes miniers est le moment idéal pour la société civile de s’impliquer dans la défense des droits des communautés locales et de la population, des intérêts de l’état et de l’environnement.

Introduction de Kleber Biboum, CEO, Go Africa Business ; et Chef de mission, Plateforme de redevabilité sociale dans le secteur des mines au Cameroun (PRECASEM)

L’exploitation minière en Afrique a presque toujours été l’apanage des puissances occidentales, soit au travers de multinationales qu’elles couvent, soit au travers des entités administratives en place, comme ça l’était pendant la période de la colonisation.

Dans les deux cas, ou même considérant également celui de « la volonté pour les Etats africains de nationaliser » l’activité minière au lendemain des années 60, il faut relever que pour tous les 25 pays africains à vocation minière, je veux dire ceux qui ont une expérience considérable dans la mine, ou qui commencent à peine l’industrialisation dans ce secteur, aucun n’a pu véritablement dégager des capitaux pouvant lui permettre de mieux organiser, surtout au niveau local, son développement économique et social.

En effet, il apparaît que, même dans les pays du Nord (France, Canada, Australie, etc) qui se sont lancés plusieurs siècles à l’avance dans l’exploitation minière, le constat est loin d’être différent, surtout au niveau des communautés ayant abrité les projets miniers. Car, les sociétés minières recherchent d’abord le profit, elles investissent beaucoup d’argent, du temps aussi, et j’ai envie de dire qu’elles payent souvent le prix demandé par les Etats pour être éligibles. Cette éligibilité semble leur donner le « visa » d’exploiter (dans toute la plénitude du terme) la ressource, laissant au passage une administration gangrenée par la corruption, des populations locales confinées dans un état de pauvreté insoutenable, source de conflits, et un milieu naturel lourdement entamé.

En Afrique, cette situation suffisamment préoccupante, s’est généralisée au point qu’on lui colle souvent l’étiquette de malédiction des ressources. Depuis le début des années 2000, l’avènement de l’ITIE, de la coalition PWYP, de la VMA (Vision minière africaine), de bien d’autres initiatives et organisations non gouvernementales locales sur le continent, a conforté la nécessité de mobiliser tous les acteurs pour la construction d’un dialogue durable autour d’un outil de législation participatif. Il n’est donc pas étonnant que l’on assiste aujourd’hui à une révision quasi systématique des codes miniers en RDC, au Cameroun, Sénégal, Burkina Faso, etc.

Freddy KITOKO NYEMBO, Avocat au Barreau de Lubumbashi, Katanga, et défenseur des droits humains, RD Congo

Le processus de révision du code minier de la RDC

Ibrahima DIALLO, Secrétaire Exécutif de l’ONG La Lumière au Sénégal

La révision du code minier du Sénégal et ses enjeux
et
Projet de grille de compensation des communautés affectées par les exploitations minières

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Nicolas Sawadogo, Réseau National pour la Promotion des Evaluations Environnementales (RENAPEE)

La révision du Code minier du Burkina Faso, ses enjeux RSE et ses avancées

Le Burkina Faso a un potentiel minier considérable. Selon une étude menée par l’institut Fraser, le Burkina Faso occupe le 6ème rang en Afrique en terme de potentiel minier Depuis 2009, l’or est devenu le premier produit d’exportation, supplantant ainsi le coton Plus de six cents permis de recherche ont été délivrés et neuf mines sont actuellement en exploitation : une dans le cuivre, une dans le manganèse et sept dans l’or. En 2013, notre pays a exporté 32,959 tonnes d’or. Il y a aussi le manganèse de Tambao non encore exploité mais estimé à 109 millions de tonnes. Nous notons également des traces d’uranium et des sédiments pétroliers

Le nouveau code minier du Burkina Faso a été adopté le 26 juin 2015, dans un contexte post-insurrectionnel, par le Conseil National de la Transition (CNT) qui a joué le rôle d’Assemblée Nationale pendant la transition après le départ de Blaise Compaoré. Il remplace ainsi l’ancien code minier qui date de mai 2003.

De mémoire de Burkinabé on n’a jamais vu une loi qui a fait l’objet d’aussi larges consultations que celle-là, si ce n’est un référendum. Les sociétés minières, la chambre des mines, les populations affectées, les organisations de la société civile œuvrant dans le domaine, dont le RENAPEE, le ministère des mines… toutes les parties prenantes ont été entendues par le CNT ; c’est pourquoi nous estimons que c’est une loi bien mesurée qui assure une exploitation minière du type gagnant-gagnant, même si les sociétés minières la trouvent défavorable au regard de l’ancien code qui était très attractif. Dans ce code, sont mentionnés environ quinze textes d’application qui doivent être pris pour sa mise en œuvre.

Les avancées fiscales, environnementales et sociales

La part d’action gratuite de l’Etat était de 10% dans l’ancien code. Dans l’actuel, elle reste 10% mais assorti du vocable  « extensible » ce qui donne la latitude à l’Etat de pouvoir participer en numéraires pour accroître sa part d’action.

Il y a également l’impôt sur les sociétés qui est de 27,5% pour toutes les sociétés exerçant au Burkina Faso. Cet impôt est appliqué sur le bénéfice net. Les mines avaient bénéficié dans l’ancien code, d’une baisse de 10 points et ne payaient donc que 17,5%. Le nouveau code a repositionné toutes les mines sur le régime du droit commun. Elles payeront donc le même taux que toutes les autres sociétés à savoir les 27,5%. Par ailleurs, le nouveau code minier impose à toutes les sociétés minières 1% de leur chiffre d’affaire pour alimenter le fonds minier de développement local. Ce fonds reçoit également 20% des recettes proportionnelles de l’Etat.

Nous notons également comme aspects positifs dans ce nouveau code et sans être exhaustif :

  • L’adoption du fonds minier de développement local, du fonds de réhabilitation et de fermeture de la mine, du fonds de réhabilitation, de sécurisation des sites miniers artisanaux et de lutte contre les produits chimiques prohibés, du fonds de financement de la recherche géologique et minière et de soutien à la formation sur les sciences de la terre ;
  • La mise en place d’un dispositif de prévention et, le cas échéant, de réparation des violences des droits humains des communautés affectées enregistrées dans le cadre des activités minières;
  • L’obligation de réalisation des audits environnementaux tous les deux ans. Ce qui permet de contrôler la mise en œuvre des Plans de Gestion Environnementale et Sociale ;
  • L’élaboration d’un texte règlementaire sur l’indemnisation juste et préalable des propriétaires terriens ; Sur ce volet la politique opérationnelle de la Banque mondiale stipule que la compensation devrait strictement équivalente
  • L’interdiction du travail des enfants dans l’exploitation minière et artisanale
  • L’emploi prioritaire des cadres Burkinabè et un plan de formation à cet effet
  • La priorité pour les entreprises burkinabè de fournir les biens et services répondant aux normes de qualité
  • L’adoption d’une politique nationale assortie d’une stratégie de développement et de promotion de la fourniture locale au profit du secteur minier;
  • La mise en place d’un cadre tripartite regroupant des représentants de l’Etat, des Sociétés minières et des fournisseurs de biens et services miniers  pour le développement et le suivi  de la croissance de la fourniture locale au profit du secteur minier;
  • La mise en place de mécanisme permettant de s’assurer que les titulaires des titres miniers ou d’autorisations et les autres entités commerciales impliquées dans l’exploitation minière mènent leurs activités dans la préservation des droits humains des populations affectées.
  • La possibilité de retrait de titre minier en cas d’inconduite notoire vis-à-vis de l’environnement, un début d’encadrement de l’exploitation artisanale, le renforcement de la sécurité au travail, la formation des jeunes, une plus grande représentativité des nationaux dans les entreprises minières, etc.

Par ailleurs la nouvelle loi prévoit que des textes règlementaires soient élaborés pour encadrer l’exploitation à petite échelle, l’hygiène, la sécurité et la radio protection. Elle soumet l’exploitation semi mécanisée à une étude d’impact environnemental, l’exploitation artisanale à une notice d’impact environnemental et impose la réparation des dégâts environnementaux en cas de retrait du permis.

Cette loi est perfectible certes ; mais elle n’en demeure pas moins l’expression de la volonté du peuple Burkinabé – insurgé les 30 et 31 octobre 2014 – qui voit des tonnes d’or extraites de son sous-sol sans un impact positif visible sur ses conditions de vie. Il appartient aux nouvelles autorités Burkinabè de faire diligence dans la prise des textes d’application pour la mise en œuvre de ce code.

Au regard des conflits récurrents entres populations locales et sociétés minières, dus à une RSE mal comprise sinon royalement ignorée par certaines mines, et vu l’absence totale de l’esprit du genre dans le code actuel, une éventuelle révision de cette loi devrait prendre en compte ces aspects et bannir à jamais l’idée de code minier strictement attractif.

Nicolas SAWADOGO

Retranscription de l’intervention d’Ibrahima Diallo

Pour ce qui concerne le code minier, le Sénégal s’est trouvé dans un contexte de compétition internationale entre différents pays miniers et marchés. Ensuite il y a eu un constat sur la faiblesse des recettes de l’Etat malgré le renchérissement des coûts des matières premières et un manque a gagner de 401 milliards. Des journalistes ont posé la question au nouveau président de la République : qu’est que le Sénégal fait réellement ? On ne peut pas se départir des communautés minières vivant dans la brousse et qui vivent toutes les frustrations liées à la privation des droits à l’information, à la participation, et surtout aux opportunités économiques malgré l’allégeance du Sénégal à l’Initiative pour la transparence des industries extractives depuis octobre 2013.

Ensuite, il y a eu beaucoup d’alertes de la part des organisations de la société civile du Sénégal.

Alors, c’est dans ce contexte que l’on retrouve la révision du code minier du Sénégal. Les activités menées par la société civile quand elle a senti que le Sénégal était en train de réviser son code minier. En août 2014, il y a eu une interpellation du comité national de la géologie sur l’exclusion des ONG du processus de révision. En septembre 2014, on a organisé un point de presse dans les régions centre de la région du Sénégal pour réclamer l’inclusion des ONG dans le processus de révision. En octobre 2014, on a fait un actif financier pour nous permettre de participer d’une façon ou d’une autre au processus. Ensuite, il y a eu ce qu’on appelle… on a recruté un consultant international donc il a analysé le code de 2003 et qui nous a permis véritablement de disposer d’un outil de plaidoyer en même temps on fait les critiques du code de 2003 sur les questions relatives à la protection des droits humains, à la protection de l’environnement et surtout à l’intérêt national.

Alors, quand nous avons obtenu cet outil de plaidoyer, nous avons commencé à faire ce qu’on appelle d’abord un lobbying. Donc, le 13 janvier 2015 nous avons commencé cette étude comparative et de consultation des autres ministres et les chefs de l’exercice et le président de la République. Le 15 janvier 2015, nous avons juste le temps de faire une étude comparative et de consultations des ONG et du bureau de la géologie. Et le 22 janvier 2015, nous recevons une lettre du ministre, donc une semaine avant, nous recevons un avis de passage nous indiquant la disponibilité de l’avant projet de révision à la direction de la géologie. Donc les ONG commencent rapidement un consultant pour analyser le niveau de prise en compte des contributions que nous avons demandées au niveau du Code de 2003. Et le 3 février effectivement nous répondons à l’invitation du gouvernement du Sénégal et particulièrement de la Commission de révision du code minier, ce jour là on nous a dit effectivement qu’on voulait valider le projet de code minier et le transférer, transmettre à l’Assemblée Nationale et donc évidemment la validation politique. Et là, dans la salle on se comprend pas, nous, les organisations de la société civile, nous ne sommes pas venus ici pour valider aujourd’hui le code minier et pas prendre caution. Comme nous ne voulons pas servir de faire-valoir, nous préférons quitter la salle et dénoncer cet état de fait, comment est-il possible qu’un dossier aussi important que le code minier voudrait être l’apanage que des fonctionnaires de l’état du Sénégal ? Et nous avons quitté la salle, les organisations qui sont membres de la coalition. Nous nous sommes retrouvés et avons tenu un point de presse, où nous avons vraiment tapé très fort, et on a menacé d’aller à la CEDAO, menacé d’aller à l’UEMOA, pour dénoncer la décision du Sénégal. Le lendemain, les directeurs des mines, le ministre des mines, tous ont fait des déclarations pour fustiger le comportement de la société civile.

Cela ne nous a pas découragé, nous avons continué encore la bataille. Et deux jours après, le comité nous a envoyé un mail pour nous dire qu’il est d’accord pour le dialogue. Ce qui fait que jusqu’au jour où je vous parle, le code minier est encore dans un processus de validation.

Alors ce Code qui nous a été imparti, il nous a permis à tout le monde, à tous les acteurs, les société minières, les organisations de femmes, les organisations de jeunes, la société civile, les parlementaires, a permis à toute le monde effectivement d’apporter des propositions d’examen importantes et qui ont été prises en compte quasiment à 95%.

Et ce que nous avons voulu que cela change dans le nouveau code minier. Nous avons voulu que toutes les dispositions fiscales soient renvoyées dans le code général des impôts. Parce qu’on ne peut pas exiger que les ingénieurs des mines, les ingénieurs géologues, soient en même temps des fiscalistes alors qu’il y a des départements qui sont spécialistes dans ce domaine-là.

On a voulu qu’il y ait, à titre exceptionnel, des possibilités de partages de production. Donc qu’il y ait des possibilités de partage pour que tout le temps ce soit les sociétés qui ont 90% et l’état du Sénégal 10%. Alternativement il est possible effectivement de faire des options, ou d’essayer des comptoirs de partage de production.

Nous avons aussi, dans la proposition, décidé d’étendre l’obligation de réhabilitation à la phase de recherche. Donc ce qui était prévu par le code de 2003, on a obligation de réhabiliter, qu’après, ou qu’avant l’exploitation. Alors qu’il y en a qui, excessivement, pendant la phase de recherche, font des dégâts qui entraînent une dégradation de l’environnement.

Nous avons souhaité enfin que le nouveau code puisse obliger toutes les demandes (ou extensions ?) de permis de concessions à payer préalablement, d’un coup, tout ce qui relève de la réhabilitation du site.

Nous avons voulu aussi qu’il y ait un renforcement des dispositifs de contrôle sur le terrain. Parce que vous imaginez une région comme Kédougou où il y a 24 sociétés qui sont actuellement soit en activité, soit en attente d’exploration/exploitation. On a pensé qu’il fallait qu’effectivement, le dispositif de contrôle soit renforcé mais également aussi, que la loi s’applique aussi à la phase d’évaluation et qui prévoit des sanctions très fortes.

Il y a des pays qui sont à 7%, il y a des pays qui sont à 10%. Donc on a demandé que la redevance soit relevée à 10%. Mais le gouvernement a retenu 7%.

Changement de la durée des concessions minières. Parce que la durée des concessions minières au Sénégal c’est minimum 25 ans. On a pensé que aujourd’hui, une société comme Sabodala, qui a une concession de 25 ans et qui extrait 5-6 tonnes d’or par an, et qui a des vacances fiscales de 8 ans, peut bien partir avant de payer des redevances au Sénégal. On a pensé que les concessions minières doivent être de 10 à 15 ans.

Le relèvement des droits payés au moment de l’attribution ou du renouvellement en attribuant des fonds aux communautés locales abritant des opérations minières. La société minière paie pour ce droit d’occupation. Elle a 20km2 pour moins de 200 000FCFA. Et ces fonds sont reversés au niveau du gouvernement. Alors que la communauté locale qui abrite l’opération minière ne reçoit rien du tout.

On a pensé également qu’il y ait un réaménagement des dispositions relatives à la confidentialité de son budget (entreprise). On ne peut pas adhérer à l’ITIE (Initiative pour la transparence des industries extractives) et considérer encore l’article 66 du code minier du Sénégal qui dit qu’il y a des clauses de confidentialité qui permettent aux sociétés minières de ne pas divulguer certaines informations.

On a pensé également que la promulgation du programme social minier est une exigence capitale.

La légifération sur les compensations minières je reviendrai un peu plus tard. Parce que ce que nous avons au Sénégal c’est l’indemnisation. Et l’indemnisation pour nous, parce qu’il y a des objets cultuels, il y a des objets culturels, il y a des aspects sociaux, vraiment que l’indemnisation ne prend pas en compte.

Il y a le code des collectivités locales qui stipule que les sociétés locales ont en charge le développement économique, social et culturel de nos terroirs. Alors si vous êtes une commune locale, alors vous êtes investi de cette mission et tout ce qui concerne l’exploitation minière vous n’avez rien à voir parce que ce n’est pas une compétence mentionnée. Et maintenant, tout ce qui se fait sur les terres, vous n’aurez absolument rien à dire, alors que toutes les questions sociales et environnementales sont prises en charge par les collectivités locales.

Donc le Sénégal a décidé d’adopter les Directives de la CEDEAO. Et on a pensé que c’est l’occasion d’internaliser les dispositions de la CEDEAO donc relatives aux droits miniers dans le nouveau code minier du Sénégal.

Alors comment avons-nous influencé tout ce travail-là ? Nous avons commencé par des éléments de comparaison.

Le consultant qui a été impliqué, on lui a demandé d’analyser le code minier du Sénégal, en se référant à la directive de la CEDEAO, à l’ITIE, et à la Vision minière africaine. C’est ce qui a permis très rapidement de détecter les problèmes contenus dans le code minier et relatifs à la transparence, et aussi sur le plan fiscal, social et environnemental.

Nous avons aussi dans ce document indiqué des souhaits pour des réformes pour la bonne gouvernance, la transparence, la préservation de l’environnement, la prise en compte inclusive des préoccupations des communautés, tout comme la sauvegarde des intérêts de l’état, à intégrer dans le nouveau code minier du Sénégal. Nous avons aussi influencé pour la production d’un document de plaidoyer par la Coalition Publiez ce que vous payez Sénégal, pour une réglementation minière plus transparente et responsable.

Quels sont les facteurs qui nous ont permis d’influer si considérablement le processus de révision du code minier ? D’abord il y a eu la mobilisation. Toutes les organisations du Sénégal, qui sont intéressées par ce secteur, donc ont décidé de se mettre ensemble. Ensuite on a eu un soutien financier d’Oxfam, un financement qui nous a permis de recruter un consultant, un expert dans le domaine qui a éclairé les différentes actions.

Ensuite il y a eu la consultation des communautés. Nous avons réuni l’ensemble des villages qui son affectés, pendant 2 jours dans un hôtel pour dire que le Sénégal doit changer et est en train de réviser son code minier. « Qu’est-ce que vous voulez qu’on change dans la pratique et l’exploitation minière au Sénégal ? » Donc c’est des informations qui nous ont permis véritablement de formuler des recommandations pour la création du code minier. Donc on a créé, à côté de la Coalition, un conseil des élus locaux, qui était nécessaire dans tout le processus de propositions.

Nous avons également accompagné la mise en place du réseau des parlementaires. Nous avons aussi facilité la mobilisation de la presse. Et c’est ce qui véritablement, nous a permis d’influencer le processus de révision.

Nous avons découvert en tout cas à travers ce processus l’importance des alliances. L’alliance avec les élus locaux, l’alliance avec les communautés minières, les alliances avec la presse, l’alliance avec les parlementaires, qui ont permis la pression sur le gouvernement. Vraiment, la presse a été d’une importance capitale dans tout ce processus.

Aujourd’hui, si on a un nouveau code minier, on a le code de l’environnement qui date de 2003, on a la loi sur le domaine national qui date de 1966, et chacune de ces lois interfère avec le code minier. Et si véritablement il n’y a pas une harmonisation de ces différents codes, il va être excessivement difficile d’appliquer certaines dispositions du nouveau code minier. L’un de nos défis aujourd’hui, c’est la mise en cohérence des différents codes applicables aux sociétés minières. Notamment le code minier, le code l’environnement, le code forestier, le code de l’eau, le code des investissements, le code général des impôts, le code général des communautés locales, la loi sur le déménagement etc.

Pour la finalisation et la mise à plat d’un programme de gestion et de consultation au niveau local comme national. Vous savez ici au Sénégal, il y a des compétences qui sont transférées au collectivités locales, et que les collectivités locales gèrent avec les populations. Jusqu’au moment où je vous parle, les mines ne constituent pas encore une compétence locale. Et les communautés elles-mêmes, et les élus locaux sont exclus de tout le processus de décision.

Le Sénégal a décidé de rétrocéder 20% à travers les communautés locales. Mais sur le montant global, 40% vont aller aux communautés locales qui abritent les entreprises minières. Et le reste, 60% seront répartis entre les autres régions. Nous pensons que 20% c’est vraiment trop peu élevé. Le Fonds de péréquation n’a pas encore pour le moment pu être appliqué de façon recommandée.

Il y a ce qu’on appelle l’avancée des travaux miniers, et la conséquence c’est le recul des espaces réservés aux pâturages, aux exploitations forestières, à l’exploitation artisanale de l’or, à l’agriculture, etc. Et il n’y a aucun mécanisme de compensation adéquat qui permette véritablement de redresser après le départ de la société minière.

Le renforcement des capacités techniques pour les financiers des collectivités locales et des comités pour une gestion propre, durable : il y a aujourd’hui une assistance à ces organisations. Mais un argument que l’état va continuer à recevoir c’est le manque de capacités pour prendre en charge les fonds.

On a bloqué le processus de révision. On a fait parvenir à l’état nos contributions, qui sont les contributions des communautés, des élus locaux, et aussi nous avons formé les parlementaires sur comment assurer le suivi de l’adoption, pour que véritablement, au moment du vote à l’assemblée, ce qui a été retenu comme contribution essentielle, se verrait sur le code minier du Sénégal.

Donc voilà en fait ce qu’on peut dire de façon globale du processus de révision du code minier au Sénégal et dont le vote à l’Assemblée nationale est prévu pour 2016. L’adoption était prévue pour 2015. Il a fallu que la société civile s’insurge pour que le processus soit bloqué.

Nous avons constaté une baisse des moyens de subsistance des communautés vivant sur le sol des opérations minières. Et quand nous avons visité la loi, ce n’est pas essentiellement le code minier qui règle le problème. Il y a la loi sur le domaine national, la loi sur le code des collectivités locales etc. Donc c’est un ensemble de dispositions législatives et réglementaires qui nous permet de régler ce point. Le souci c’est que, les autres qui lois qui concourent au règlement de ce problème ne sont pas révisées, donc le problème va demeurer.

Jusque là, c’est la loi de 1972 qui à la limite organise un peu la compensation au Sénégal. Alors que nous nous voulons qu’on déplace et qu’on compense. C’est à dire on prend tous les aspects culturels, tous les aspects cultuels, tous les aspects sociaux – parce que les populations demandent des actions particulières avec l’environnement.

En matière de compensation il n’y a aucune disposition prévue pour les communautés d’avoir un outil qui leur permet de négocier. Donc on a dit, il faut qu’on trouve un mécanisme qui permette aux communautés d’avoir un outil d’appréciation de ce qu’elles ont perdu. C’est ce qui explique la réflexion autour de la grille de compensation. Et nous avons recruté un consultant qui a fait un travail. Il a fait beaucoup de consultations, il a discuté avec les sociétés minières, il a discuté avec les populations qui sont souvent victimes de déplacement, les populations exposées aux déplacements, et les propositions ont permis d’avoir une grille consensuelle.

C’est déjà transmis au ministère en charge des mines, c’est déjà transmis à la Commission de révision du code minier, c’est déjà transmis à l’Assemblée nationale, et nous allons continuer à faire le plaidoyer pour voir est-ce que ce ne serait pas l’objet d’un amendement dans le code minier. Ou est-ce que ce ne serait pas l’objet d’une loi spéciale. Mais techniquement c’est assez complexe et je vais vous partager un document (en ligne sur www.rse-et-ped.info) et vous pouvez le lire et poser des questions que je pourrais partager au consultant. Elle a fait l’objet de consultation pour obtenir ce qu’on appelle aujourd’hui une grille consensuelle et qui et dans le circuit d’intégration dans la régulation nationale en la matière.

On a affecté à chaque bien mobilier et immobilier une lettre et un coefficient. C’est ce coefficient qui a été accepté par l’ensemble des acteurs. Si on fait la somme des coefficients, on a effectivement une idée de ce que ces ménages vont tirer, si il (la mine) les déplace.

Si vous aviez 2-3 conseils à donner aux Conseils économiques et sociaux d’Afrique Francophone pour émettre des avis sur les révisions des codes miniers, quels sont pour vous les points clés de ces codes miniers. Je pense que la 1ère des choses qu’il faut constituer dans tout ce qui est conflit, c’est véritablement une question d’organisation et de combat. L’autre chose c’est véritablement les impacts environnementaux qui affectent très négativement le cadre de vie et la santé des populations. La 3ème chose c’est de pouvoir associer les Conseils économiques et sociaux pour réguler ce qu’on appelle le processus.

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Merci à Céline Chartrain, étudiante Sciences Po Bordeaux, pour le compte-rendu, et l’aide à la transcription et à la mise en ligne des enregistrements !

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Photo : site EuropeAid

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