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COMPTE-RENDU, VIDÉOS ET PRÉSENTATION
Engager les acteurs économiques contre la déforestation en Afrique – par l’ONG Mighty

Le 3 février 2017 - ,

Intervenante

Etelle Higonnet,

Directrice juridique et des campagnes, Mighty [États-Unis]

Vidéo

Présentation

Présentation Etelle Higonnet

Lien : www.rse-et-ped.info/wp-content/uploads/2017/02/20170203-Webinaire-Mighty-déforestation-copy.pdf

Compte-rendu

Le 03 février, Etelle Higonnet, Directrice juridique et des campagnes de l’ONG Mighty, est intervenue lors d’un webinaire sur la déforestation liée à l’huile de palme en Afrique.

Le webinaire portait initialement sur le rapport publié par Mighty en décembre 2016. Mighty y détaillait ses allégations de déforestation par Olam au Gabon. Juste avant le webinaire, Olam et Mighty sont parvenus à un accord pour avancer vers deux impératifs :

  • Permettre la mise en place de modèles de développement agricole responsables qui soutiennent la protection des forêts tout en luttant pour le développement durable au Gabon et dans d’autres pays possédant une grande couverture forestière ;
  • Ainsi que la nécessité pour les commerçants d’huile de palme de développer un plateforme d’action collective pour éviter la déforestation et l’exploitation des travailleurs ou des communautés.

L’industrie de l’huile de palme a commencé en Asie avec la déforestation (des pays asiatiques ont perdu 70 à 90% de leurs forêts selon Mighty) et les violations de droits humains associées. Des ONG avaient mis en place une stratégie commune pour améliorer la filière :

  • Faire des campagnes en direction des consommateurs,
  • Interpeller les entreprises les plus influentes

pour faire évoluer la filière et changer les normes sociales et environnementales de référence.

Pour s’assurer d’avoir un fort impact, les ONG se sont concentrées sur les grands acheteurs d’huile de palme comme Wilmar (30 à 40% du marché d’huile de palme). Ces derniers ayant besoin de financement, la coalition d’ONG a ciblé les investisseurs responsables, les banques et les fonds de pension. Une pression a été faite sur chaque acteur de la filière. Par exemple avec Kit Kat, les consommateurs ont d’abord été sensibilisés avec une campagne choc. A travers Nestlé, c’est Sinar Mas, la compagnie d’huile de palme la plus importante en Indonésie, qui était ciblée. Il a donc été obligé de mettre en place une politique de déforestation zéro. Le même type de campagne a été faite à l’encontre Kellogg pour atteindre Wilmar.

Après 2013, il y a eu un basculement dans la filière de l’huile de palme lorsque Wilmar a mis en place une politique de déforestation zéro et que les ONG ont fait pression sur les autres entreprises. En plus du zéro déforestation les entreprises ont ajouté le zéro tourbière et zéro exploitation humaine. Cette évolution a été très rapide. Cela a limité à l’Asie, sans inclure l’Afrique où la production intensive de palme est récente.

La question est maintenant de savoir comment mettre en œuvre ces standards sociaux et environnementaux en Afrique où la culture du palmier à huile se développe.

Après avoir présenté l’industrie de l’huile de palme jusqu’aux premières campagnes anti déforestation, Etelle Higonnet a rappelé l’évolution de la culture du soja qui est un bon exemple pour voir comment les entreprises peuvent tenir leurs engagements RSE. Après des campagnes d’ONG, il y a maintenant un moratoire du gouvernement sur le développement de la culture du soja dans l’Amazonie brésilienne. Grâce à ce moratoire, la déforestation pour la culture du soja est passée de 25% à moins de 1%. Pour y arriver, la stratégie a été la même que celle pour l’huile de palme. L’industrie n’en a pas souffert : le déboisement s’est effondré alors que la valeur du soja a doublé.

Le moratoire brésilien est une plateforme qui regroupe le gouvernement, les ONG, les grands acheteurs, les entreprises, les investisseurs et les banques. Il faut une plateforme similaire, avec tous ces acteurs,  pour l’huile de palme.

Etelle Higonnet a annoncé qu’Olam était en train de développer la plus grande plantation d’huile de palme au Gabon. En tant que pays souverain qui veut être leader de la production d’huile de palme, le gouvernement gabonais a un rôle déterminant dans la mise en place des politiques zéro déforestation, zéro abus des droits humains et zéro tourbière. Elle souligne qu’il faudra impliquer les autres pays d’Afrique centrale comme le Cameroun et le Congo Brazzaville pour avoir une démarche coordonnée au niveau de la sous-région, et éviter que les pays se fassent une concurrence du moins-disant environnemental.

Questions-Réponses

Quelles sont les retombées de la culture d’huile de palme pour les communautés et particulièrement pour les femmes et les jeunes ?

Avant les campagnes des ONG, l’impact sur les communautés autochtones en Asie du Sud-est étaient très négatifs. Elles étaient victimes d’expropriation de terres, de destruction de leurs cultures ancestrales, de violations des droits humains, de paupérisation. Après les campagnes, l’industrie a commencé à avoir des retombées plus positives. Mais tout n’est pas encore parfait. Wilmar a par exemple été accusé par Amnesty International de travail des enfants, IOI par Greenpeace de travail des enfants et de travail forcé, et Felda par le Wallstreet Journal de trafic humain et de travail forcé.

Etelle Higonnet constate que les évolutions sont positives même si tout n’est pas encore parfait. Par exemple, pour ce qui est de l’accès aux terres, Olam comme Wilmar, essaye de mettre en place une politique de « Small Holders » (petits fermiers). Le principe est de donner autour des grandes plantations des terres aux populations qui peuvent cultiver et vendre leur production. En revanche, le problème peut se situer au niveau de leur rémunération. Maintenant, le souhait est que le travail fait en Asie soit reconduit en Afrique où les entreprises comme Héraklès au Cameroun sont moins scrupuleuses.

La durabilité peut-elle être intégrée dans la culture de l’huile de palme sans en impacter le coût dans un environnement où le produit est indispensable au quotidien aux populations à bas revenus ?

En général les compagnies d’huile de palme tiennent comme discours que cela reviendrait cher de respecter l’environnement et les droits humains à 100%. Mais ce n’est pas le cas. Elles ont seulement des dépenses à faire au niveau du monitoring, dont le coût pour la surveillance de la déforestation baisse grâce aux technologies. En revanche la surveillance est plus compliquée pour les droits humains. Les entreprises d’huile de palme en Asie dépensent entre 300K à 500K US$/an pour mettre en vigueur leurs politiques de RSE, ce qui est élevé. La meilleure façon est de pousser les acteurs de l’huile de palme à travailler ensemble.

Est-ce que Mighty est contre la déforestation ou contre l’industrie de l’huile de palme ?

Mighty milite pour une industrie de l’huile de palme qui respecte l’environnement et les droits humains, où les bénéfices sont répartis de façon égale avec les travailleurs et les communautés locales.

Pour le soja, sur quels types de terre les hectares supplémentaires ont-ils été pris (page 14 de la présentation) ?

Toute expansion doit être faite sur des terres dégradées qui sont achetées au juste prix. Par exemple, une compagnie payait des terres 1US$ par hectare par an ce qui n’est pas normal. Parfois défricher coûte moins cher que des terres dégradées mais il faut tout de même les acheter au prix juste. Il y a des millions d’hectares de terres dégradées que les entreprises pourraient exploiter même si elles coûtent plus chères. C’est ce que l’industrie du soja a fait au Brésil sans rien perdre à terme.

Comment mettre en place une culture de l’industrie d’huile de palme durable dans un environnement où la RSE est peu mise en application ?

Une synergie doit être créée entre l’industrie et le gouvernement, mais faire bouger d’abord l’industrie est plus important. Il ne faut pas toujours tout attendre du gouvernement. En Asie, l’évolution a été menée d’abord par l’industrie avant d’aboutir à des évolutions législatives. Il faut commencer par les campagnes d’interpellation des entreprises. C’est ce qu’il faut faire à présent en Afrique Centrale.

L’extrapolation du cas du soja en Afrique est nécessaire. En revanche comment surmonter les contraintes de coordination entre les Etats et leurs fragilités respectives ?

Pour la réussite d’un tel moratoire régional il faut d’abord un succès national. D’ailleurs, l’extension du moratoire brésilien aux autres pays amazoniens est en discussion. En Afrique, pourquoi ne pas commencer par le Gabon et Olam, envisager un moratoire pour le Gabon et l’étendre ensuite pays par pays jusqu’à l’ensemble de la sous-région.

Ressources

Le rapport de la campagne sur Olam est à lire ici.

Le rapport de Greenpeace sur IOI est à lire ici (en anglais).

Le communiqué de presse sur l’accord Olam-Mighty est à lire ici.

Biographie

Etelle Higonnet est Directrice juridique et de campagnes de Mighty Earth, où elle se concentre sur la conservation des forêts en Asie du Sud-Est et en Afrique, en mettant l’accent sur les industries de l’huile de palme et du caoutchouc. Etelle a travaillé précédemment avec Greenpeace en Asie du Sud-Est en tant que directrice de recherches sur un large éventail de questions environnementales telles que le climat, l’énergie, les océans, les déchets toxiques, l’agriculture écologique, la justice environnementale et la protection des forêts.

Etelle possède également une expérience significative en matière de droits humains, ayant travaillé comme chercheuse pour Human Rights Watch, Amnesty International, d’autres ONGs de droits de l’homme, et ayant travaillé principalement dans les zones de guerre et les zones d’après-conflit comme l’Irak, la Côte d’Ivoire, le Sierra Leone, et le Libéria. Elle a été consultante en recherche sur les droits de l’homme auprès de diverses organisations, dont l’UNICEF, Open Society, le Centre de documentation des droits de l’homme de l’Iran, le Groupe de travail royal cambodgien pour les Chambres extraordinaires et le Tribunal spécial pour la Sierra Leone. Etelle est diplômée d’Henri IV, l’Université de Yale, et la Yale Law School. Elle a écrit de nombreux articles, rapports, et articles d’opinion sur des sujets environnementaux et des droits de l’homme. Etelle parle 9 langues.

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