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COMPTE-RENDU « Femmes cadres en Afrique : parcours et enseignements pour les employeurs »

Le 13 mars 2015 - ,

Le 13 mars 2015 eu lieu le webinaire « Femmes cadres en Afrique : parcours et enseignements pour les employeurs », organisé par Canal+ et RSE & Développement. À cette occasion, 10 femmes africaines ont témoigné de leur parcours professionnel, et comment elles ont accédé à des postes d’encadrement dans le développement, la RSE et des domaines connexes (RH, environnement). Leurs biographies sont ici (PDF) et à cette page. Chacune a axé son propos autour de trois angles : leur expérience professionnelle ; les défis et opportunités qu’elles ont rencontré en tant que femme dans l’entreprise ; des suggestions pour les employeurs et entreprises à propos des femmes dans le monde de l’entreprise. Nous avions 22 participantes, de 7 pays : Bénin, Cameroun, Côte d’Ivoire, France, RD Congo, République du Congo et Sénégal. Nous remercions Raphaëlle Meuter, Etudiante à Sciences Po Paris pour la rédaction du compte-rendu.

La session a commencé par l’intervention de la directrice de communication de Canal+ Afrique, Françoise Le Guennou-Remarck, qui souligne l’importance des problématiques autour des femmes pour la RSE. Voilà les points clés des interventions des différentes femmes.

Photo Aawatif Hayar

Professeur Aawatif Hayar est Directrice du Centre de recherche GreenTic et est Professeur à l’Université Hassan II de Casablanca. Elle évoque l’idée de ville sociale, intelligente et durable sur laquelle elle travaille actuellement. Cette ville aurait pour but offrir des accès technologiques dits intelligents à des populations moins favorisées, et par exemple de proposer des cours de « e-learning » pour jeunes femmes dans des villages isolés pour qu’elles puissent suivre à distance un programme d’éducation. Elle insiste sur l’importance de l’éducation des jeunes filles en Afrique et de la lutte contre l’analphabétisme, qui peuvent passer par les technologies. Par rapport aux femmes cadres, elle pense qu’il faut encourager le « bureau virtuel » pour permettre aux femmes de combiner plus facilement vie professionnelle et personnelle. Sa dernière recommandation est qu’il faudrait avoir plus de femmes dans les postes de décision, pour adopter des choix sociétaux qui assurent la protection de l’environnement.

Adrienne Antoma Meba

Adrienne Antoma Meba, travaille comme Cadre de développement pour la commune de Moloundou dans l’est du Cameroun. C’est son 1er emploi. Adrienne rappelle que oui, il y a des stéréotypes contre lesquels il faut lutter – elle cumule le fait d’être une femme et celui d’être jeune : « est-ce que la petite… ». Toutefois elle s’intègre bien. Sa stratégie : faire valoir qu’être une femme, c’est un plus pour promouvoir la politique de la commune auprès des autres femmes. Pour elle, il serait essentiel de définir des cadres, telles que des plateformes d’échanges et de concertation pour les femmes, ainsi que des séminaires de formation et de partages d’expérience. Il est aussi important d’adapter les organisations aux femmes, car le monde du travail est façonné pour les hommes.

Amandine Issekin OngmissiAmandine Issekin Ongmissi travaille au Cameroun pour la GIZ qui est l’agence allemande pour la coopération internationale. Elle est impliquée dans le projet d’appui au programme sectoriel foret et environnement. Les femmes sont fortement encouragées à la GIZ, sur la base de leurs compétences. Selon elle, en tant que femme, il faut faire valoir les compétences. Il ne faut pas juste accorder les postes par discrimination positive, pour avoir des femmes et remplir des quotas. Les femmes doivent recevoir une bonne formation et avoir de bonnes compétences pour pouvoir gérer, conduire et diriger. Dans un environnement professionnel au sein duquel les hommes sont dominants, pour occuper une place de choix en entreprise, la compétence est le faire-valoir idéal.


Aminata Diop GueyeAminata Diop Gueye est Directrice de l’organisation des RH et Qualité de Neurotech au Sénégal. Elle fait part de son parcours atypique, mais dit qu’elle est tombée dans un cadre propice au leadership et genre féminin (Neurotech emploie 60% de femmes). Elle évoque peu de difficultés particulières en tant que femme, mise à part des frustrations quand elle a eu des enfants jeunes car elle a alors eu du mal à évoluer au sein de la société. Elle félicite par ailleurs les combats menés ces dernières années pour la scolarisation et la place des femmes, et observe que dans le recrutement de son entreprise, 70% des personnes sélectionnées sont des femmes car elles sont plus compétentes ! Mais Aminata Diop Gueye rappelle que toutes les entreprises ne sont pas comme la sienne malheureusement, et qu’il y a toujours beaucoup de préjugés et d’inégalités en Afrique.

Enfin, Christiane Agboton Johnson est Conseillère spéciale du Directeur général du Centre des Hautes Études de Défense et de Sécurité au Sénégal. Elle observe que les défis étaient plus faciles à gérer pour elle lorsqu’elle travaillait dans le domaine de la santé et de l’enseignement ; mais ces défis sont devenus plus compliqués dans le domaine de la défense et de la sécurité. En effet, ce secteur compte peu de femmes, et encore moins dans les postes à responsabilité. Les femmes qui y travaillent sont supposées rester à leur place, ne pas trop s’exprimer. Bien sûr Christiane Agboton Johnson encourage et espère plus de leadership féminin, mais ce n’est pas simple : les femmes elles-mêmes doivent être convaincues qu’elles ont leur place et qu’elles peuvent être actrices. Elle lance donc un appel aux femmes chefs d’entreprise : qu’elles s’impliquent dans les questions de sécurité, car c’est essentiel que ce ne soit pas que les hommes qui s’en occupent.

Gloria Paraiso-Jossou

Gloria Paraiso-Jossou est Directrice de RS Consulting au Sénégal. Pour elle, les entreprises doivent s’investir davantage dans des problèmes et enjeux sociétaux et tirer profit de la RSE. Elle sent que dans sa vie professionnelle elle a été plutôt privilégiée en tant que femme (Gloria a travaillé 8 ans pour la 1ère Dame du Sénégal), même si elle devait être très exigeante et souvent « rendre des comptes ». Elle évoque l’existence du chantage, problème qui existe même si cela est dur à digérer. Elle observe que le fait d’être mariée et mère est aussi une difficulté, notamment quand on est à son compte. Les suggestions dont elle fait part sont d’aider les femmes entrepreneurs, qu’elles puissent bénéficier de plus de formation, et qu’il faut prendre en compte les spécificités des femmes et les mettre en valeur dans le monde de l’entreprise.

LikaScottLika SCOTT est Ingénieure des Mines, titulaire d’une maitrise en génie électrique et du diplôme d’ingénieur de l’Ecole des Mines d’Ales avec une spécialisation en sûreté 
nucléaire. Elle a travaillé pour Areva à Paris sur la prévention des risques pour des sites miniers du groupe (Niger, Kazakhstan, Canada),
pour Sabodala Gold Operations, en tant qu’ingénieur des mines et sur les projets miniers du groupe Teranga Gold au Sénégal.
Elle st actuellement en poste pour un groupe pétrolier en tant qu’Engineering and Maintenance Manager, en charge des projets d’ingénierie et de la maintenance pour les dépôts d’hydrocarbures (terrestres, miniers, portuaires, d’aviation). Lika
a fondé Women In Mining Sénégal en 2012 qui a été officiellement reconnue comme association en 
2014, dotée d’un conseil d ‘administration et d’un bureau exécutif.
Elle est actuellement Présidente du Conseil d’administration pour un mandat de deux ans. Women In Mining Senegal regroupe les femmes travaillant directement ou indirectement pour le secteur des mines et des industries extractives (gaz, pétrole) au Sénégal.

Marcienne Emougou Rosella

Marcienne Emougou Rosella est Ingénieure environnement et urbanisme au Bureau d’Études d’Expertises Urbaines, Environnementales et Paysagères au Cameroun. Pour elle, les femmes doivent avoir de la volonté et casser les limites naturelles en elles qui peuvent les empêcher d’aller plus loin même si elles ont tout à fait les compétences : il faut promouvoir le leadership féminin ! Il faut également mettre en avance les valeurs de la femme, dans des secteurs très masculins. Au sujet de la rémunération, elle remarque que souvent si une femme est en couple ou mariée, elle aura un salaire plus faible puisque son employeur considère qu’elle n’aura pas besoin d’autant d’argent qu’une femme célibataire. Elle rappelle la question importante qu’est l’équilibre entre le personnel et le professionnel, qui joue dans le niveau d’ambition des femmes. Enfin, les entreprises doivent selon elle sélectionner les personnes en fonction des leurs capacités et de leur formation : on sélectionne des expert(e)s, pas des hommes ou des femmes.

Photo Nadine Zehe Robert

Nadine Zehe Robert est Consultante en relations publiques au Bénin. Elle voit sa carrière plutôt comme une opportunité en tant que femme, n’ayant pas rencontré trop de difficultés. Mais ayant était en charge de grandes équipes, elle évoque la difficulté quand même de devoir prouver et montrer qu’elle était la responsable : quand on est jeune, femme, et à la tête d’entreprise, on peut faire face à des intimidations. Elle remarque qu’elle a fait face à plus de difficultés quand elle est devenue indépendante, avec notamment des problèmes d’horaires en tant que mère face à ses interlocuteurs. Comme autres expériences négatives, elle évoque l’expérience de violence mentale : quel que soit le niveau de responsabilités, il était très courant d’avoir des remarques condescendantes.

Priscille Ntumba KadimaPriscille Ntumba Kadima est Experte genre pour la Coopération technique Belge (une organisation européenne pour le développement) en RD Congo. Pour elle, les opportunités et difficultés en tant que femme dépendent beaucoup de l’employeur. Elle note la présence de préjugés nombreux, tels que « c’est une femme donc elle ne va pas bien bosser », ou des fois où au contraire on a choisi de laisser plus de place aux femmes au sein de l’entreprise. Selon elle, des possibilités pour les entreprises seraient d’avoir des stratégies de recrutement intégrant le genre, ou des stratégies plus globales pour renforcer et promouvoir le rôle des femmes dans l’entreprise. Il faut revoir les critères de réussite au travail pour qu’ils soient plus appropriés aux femmes, et encourager les candidatures de femmes.

 

Conclusion

De nombreux éléments ressortent de ce webinaire. Tout d’abord, les secteurs économiques les plus développés en Afrique sont traditionnellement « masculins » : mines, exploitation forestière, construction. Ceci est une difficulté supplémentaire, au recrutement et pour l’intégration. Les femmes peuvent faire face à de nombreuses difficultés au sein des entreprises en Afrique (discrimination à l’emploi et au sujet des rémunérations, mais aussi au sein de l’entreprise avec des difficultés d’évolution vers des postes de dirigeantes, des remarques condescendantes de la part de collègues masculins) ; mais elles peuvent aussi saisir des opportunités en tant que femmes, lorsque les entreprises sont mobilisées dans cette cause et encouragent le leadership féminin. De tous les témoignages, on voit qu’il faut avoir envie de leadership et être confiante en ses capacités. De nombreuses excellentes suggestions ont été proposées. On retient les suivantes :

  • Il faut développer des réseaux et plateformes d’échange pour les femmes en Afrique,
  • Les entreprises doivent mettre en place des politiques et stratégies pour en faveur des femmes. Celles-ci devraient inclure des critères de réussite au travail appropriés aux femmes, et encourager les candidatures de femmes
  • Elles doivent s’inspirer des bonnes pratiques existantes,
  • Il faut aider les femmes à concilier vies professionnelle et personnelle – télétravail, horaires, réunions à des heures compatibles avec une famille, difficultés particulières des mamans de jeunes enfants –
  • L’éducation et la formation sont des éléments clés pour le succès des femmes au sein des entreprises africaines.
  • Il faut favoriser la prise de leadership féminin et recruter selon les compétences
  • Les rémunérations des femmes doivent être les mêmes que celles des hommes
  • Il faut vaincre certains préjugés
  • Pour les femmes chefs d’entreprise : elles devraient s’impliquer dans les questions de sécurité et ne pas laisser ce sujet aux hommes
  • Pour les femmes qui ont créé des sociétés de conseil : certaines partagent les mêmes préoccupations – rémunération inférieure à celle des hommes, horaires peu compatibles avec une vie de famille. Il faudrait créer une « Ecole de l’entrepreneuriat féminin » pour le conseil
  • Enfin, proposition pour l’établissement d’une plateforme de femmes militantes dans la protection de l’environnement et de la défense des droits des femmes et des minorités

Nous avons conclu sur le souhait partagé par les participantes de poursuivre ces échanges, et allons réfléchir à quels objectifs nous pourrions nous fixer, et comment mettre en œuvre les idées proposées.

Merci à toutes pour vos témoignages !

Merci à Raphaëlle Meuter pour la rédaction du compte-rendu !

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