Compétitivité des PME ivoiriennes sur le marché international

2 juin 2014 - CGECI - Auteur : Yannick Aboh

Longtemps considéré comme le moteur de la croissance du Continent ouest–africain, la Côte d’Ivoire, après une décennie de crise politique, tente de se remettre sur les rails du développement économique.
Le nouveau gouvernement, ayant pris fonction en 2011, ne cesse de mener maintes opérations pour permettre une croissance inclusive profitant à tous les ivoiriens.
Au nombre de ces actions entreprises, celle relative à l’élaboration d’un Plan National de Développement (PND) 2012 – 2015, retient toute notre attention. En effet, ce document est présenté par le Gouvernement actuel comme le schéma directeur par excellence pour sortir l’État de Côte d’Ivoire de sa profonde léthargie. Il devient ainsi le nouveau cadre de référence des interventions publiques et vise entre autres à : Capitaliser et consolider les efforts vers l’atteinte du point d’achèvement de l’initiative PPTE, favoriser l’allègement du Budget de l’État sur les priorités stratégiques, améliorer l’efficacité et l’efficience des dépenses publiques…
Par ailleurs, il est fâcheux de constater à la lecture de ce document stratégique de développement, que le développement des PME ne retient pas forcément l’attention des dirigeants ivoiriens.
Pourtant, nul ne doute de la contribution de ces dernières à l’économie locale : la PME est une source essentielle de création de richesses du PIB en Afrique de l’Ouest (en moyenne 50% du PIB) et particulièrement en Côte d’Ivoire où elle représente 98% des entreprises recensées du secteur privé et contribue à hauteur de 18% à la formation du PIB et de 20% à l’emploi moderne(1). Des chiffres qui nous emmènent à formuler l’hypothèse selon laquelle la croissance inclusive tant attendue pour la Côte d’Ivoire à l’horizon 2020, passerait par un développement harmonieux des petites et moyennes entreprises. Si bien que le Gouvernement et les organisations patronales devront s’atteler à conjuguer leurs efforts pour accompagner ces dernières dans la voie du développement durable.
Aujourd’hui, en sus des contraintes qu’on leur reconnait (faible accès aux marchés publics, caractère informel des activités, accès limité aux capitaux, faible qualité des produits et services…), les petites et moyennes entreprises africaines et ivoiriennes font face, ces dernières années, à de nouvelles exigences du marché international dans le cadre de leur partenariat avec les entreprises multinationales (EMN).
En effet, dans le cadre d’une vision intégrée pour le développement durable, il est de plus en plus demandé aux entreprises internationales de s’assurer de l’effectivité des bonnes pratiques d’affaires dans leur chaîne d’approvisionnement. Si bien que l’on assiste à une multiplicité de politiques d’achats responsables dans ces grandes organisations.
Devant une telle réalité, les partenaires commerciaux traditionnels de ces EMN se verront inévitablement emportés dans ce vaste mouvement qui est la production responsable ou la responsabilité sociale de l’entreprise.
Or, sans être nécessairement moins responsables dans les faits que les grandes entreprises, les PME seront cependant désavantagées quand vient le temps de rendre compte de façon formelle de leurs pratiques RSE (Alain Lapointe et Corinne GENDRON, 2005).
A titre d’illustration, une récente étude menée conjointement par la CGECI, le BIT et le CIRES, sur les relations entre les PME locales et les EMN dans leur chaîne d’approvisionnement, démontre la faible collaboration entre ces deux groupes d’acteurs économiques et ce en raison du manque de bonnes pratiques dénoncé par les EMN chez les PME ; selon cette étude, « la plupart des Entreprises Multinationales (82,8%), considère que la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) sera de plus en plus importante dans les relations qu’elles entretiennent avec les PME… », (P.22 du rapport).
Par conséquent, il devient une nécessité de préparer les PME ivoiriennes notamment celles ayant des rapports avec les multinationales, aux nouveaux changements qui interviennent sur le marché si l’on entend assurer leur compétitivité.
En outre, il est d’autant plus vérifié aujourd’hui de dire que la Responsabilité Sociale de l’Entreprise (RSE) apparaît de plus en plus aux côtés des normes qualité (ISO 9001), Santé sécurité (OSHAS 18001) et Environnement (ISO 14001), aussi bien comme une conditionnalité du marché qu’un critère déterminant dans l’obtention de certains financements.
Plus encore, en plus de constituer un avantage concurrentiel dans l’obtention de parts de marchés ou de certains financements (ISR) Luetkenhorst (2004), la RSE est également une source d’opportunités économiques pour la Petite et Moyenne Entreprise.
En effet, une meilleure gestion environnementale, la réalisation d’économies d’énergies ou la mise en place de politiques de ressources humaines novatrices grâce à une démarche RSE, peuvent être, à moyen terme, à l’origine de gains de productivité et/ou de réduction des coûts pour l’entreprise.

Aussi, de nouvelles opportunités commerciales peuvent naître grâce à l’implication de l’entreprise dans des activités nouvelles ou réorientées. Il s’agit par exemple de se positionner sur des marchés porteurs, notamment dans le domaine environnemental (éco–conception : produits recyclés ou bio…), ou de créer des produits correspondants à de nouvelles attentes.

Cependant, la grande question qui est posée très souvent dans les recherches empiriques sur la RSE dans les Petites et Moyennes Entreprises est la suivante :
Les PME et notamment celles du tissu économique ivoirien peuvent-elles intégrer la RSE dans leurs pratiques managériales ?

A la réponse à cette question, il faut signifier d’emblée que de nombreux écrits reconnaissent une forme de RSE dans les PME. Certains auteurs vont jusqu’à qualifier la PME de « Monsieur Jourdain(2) de la RSE » (Lapointe, 2005). Ceci parce que les PME sont des organisations qui adopteraient depuis bien longtemps des pratiques responsables en raison de l’éthique du propriétaire – dirigeant.

En effet, La spécificité de la PME, traduite par une inexistence d’un actionnariat avide de rendements à court terme, par une concentration des pouvoirs de gestion entre les seules mains du dirigeant, ou par une proximité entre l’entreprise et ses parties prenantes (personnel, communauté riveraines, clientèle…), permettrait à cette dernière de mener naturellement des actions socialement responsables.
Quoiqu’une telle hypothèse ne justifierait pas forcément l’existence de pratiques responsables dans les PME ivoiriennes. Confirmer une telle hypothèse reviendrait à engager une étude sérieuse sur le niveau de responsabilité sociale des PME ivoiriennes.
Les résultats d’une telle recherche seraient d’un apport considérable pour les stratégies de développement des Petites et Moyennes Entreprises dans une ère fortement marquée par l’éthique des affaires.

En somme, il convient de souligner que les PME sont un moteur de croissance de par leur aptitude à réduire le taux de chômage, à contribuer au PIB, à dynamiser l’économie locale, si bien qu’il est important d’accompagner ces dernières à relever les nombreux défis auxquels elles font face (problème de budget, manque de ressources humaines qualifiées, poids de la dette intérieure, problème de gouvernance d’entreprise, faible qualité des services…) pour un développement harmonieux et durable de la Côte d’Ivoire.

Bibliographie

  • Lapointe, A. et Gendron, C. (2004). La responsabilité sociale de l’entreprise dans la PME : Option marginale ou enjeu vital ? 7ème congrès international francophone en Entrepreneuriat et PME, AIREPME, Montpellier, 1-14.
  • Luetkenhorst, W. (2004). Corporate Social Responsability and the Development Agenda The case for Actively Involving Small and Medium Enterprises, Intereconomics, 157 – 166.
  • Étude sur le renforcement des liens entre les PME locales et les entreprises multinationales dans le cadre de leurs chaînes d’approvisionnement, CGECI – BIT, 2013.
  • Plan National de Développement (PND) 2012 – 2015.
    Rôle des PME dans l’économie ivoirienne, document présenté par Monsieur Jean-Louis BILLON Ministre du Commerce, de l’Artisanat et de la Promotion des PME à l’occasion du déjeuner – débat HEC en Mars 2013.

Bréviaire

PME : Le droit ivoirien définit, à travers le décret n°2012-05 du 11 janvier 2012, la Petite et Moyenne Entreprise (PME) comme une entreprise qui emploie en permanence moins de deux cents personnes et réalise un chiffre d’affaires annuel hors taxes inférieur ou égal à un milliard de francs CFA.
EMN : Une entreprise Multinationale est une entreprise implantée dans plusieurs pays par le biais de filiales dont elle détient tout ou une partie du capital
Chaîne d’approvisionnement : Elle comprend tous les fournisseurs de service de l’entreprise
RSE : Le concept de responsabilité sociale des entreprises signifie essentiellement que celles–ci décident de leur propre initiative de contribuer à améliorer la société et à rendre plus propre l’environnement
Développement durable : C’est un processus de développement qui concilie l’écologique, l’économique et le social et établit un cercle vertueux entre ces trois pôles
Partie Prenante : C’est un acteur, individuel ou collectif, activement ou passivement concerné par une décision ou un projet ; c’est-à-dire dont les intérêts peuvent être affectés positivement ou négativement à la suite de son exécution (ou de sa non-exécution)
ISR : L’investissement Socialement Responsable est l’application des principes du développement durable aux placements financiers

Sigles et Abréviations

PIB : Produit Intérieur Brut
PND : Plan National de Développement
EMN : Entreprises Multinationales
BIT : Bureau International du Travail
CIRES : Centre Ivoirien de Recherches Economiques et Sociales
PPTE : Pays Pauvres Très Endettés
RSE : Responsabilité Sociale de l’Entreprise
PME : Petite et Moyenne Entreprise
ISR : Investissements Socialement Responsables

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Contributeur(s)
Yannick Aboh
Yannick Aboh est titulaire d'une Maîtrise de Droit privé option droit des affaires et carrières judiciaires, obtenue à l'Université d'Abomey-Calavi (UAC) au Bénin, d'un Master 1 en Ethique et [...]
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