Colloque Mobilisation mondiale contre l’esclavage moderne – Campagne pour la ratification du Protocole de l’OIT contre le travail forcé – Discours

La mesure 23 du Plan national d’action contre la traite, adopté le 14 mai 2014 en Conseil des ministres, nous confère cette mission pour ce qui est de la traite des êtres humains. En prenant cette décision, le gouvernement français répondait à ses obligations internationales, notamment la Convention de Varsovie sur la lutte contre la traite des êtres humains et la Directive européenne 2011/36/UE qui imposent aux Etats partis de mettre en place un mécanisme de rapporteur national.
Pour nous il s’agit :

  1. d’apporter une meilleure connaissance du phénomène au niveau national et de définir les grandes tendances ;
  2. de collecter des données, non seulement chiffrées, mais aussi qualitatives émanant d’auditions d’ONG ou de personnalités qualifiées ;
  3. d’évaluer les actions menées par les uns et par les autres pour lutter contre la traite afin de formuler des pistes d’améliorations possibles.

La CNCDH achève actuellement l’élaboration de son premier rapport d’évaluation sur la mise en place du Plan national. Il sera remis au Premier ministre au tout début de l’année 2016.

Sur le fond du sujet de la traite, je souhaiterais faire quelques observations. Premièrement, les auditions et les consultations menées par la CNCDH dans le cadre de l’élaboration de son rapport nous ont amenés à estimer que la traite et l’exploitation des êtres humains doivent être appréhendées ensemble, car ces deux phénomènes entretiennent des liens très étroits, même s’ils peuvent recouvrir des réalités différentes.

Deuxièmement, la traite et l’exploitation doivent être envisagées sous toutes leurs formes : exploitation sexuelle, servitude domestique, travail forcé, exploitation à des fins économiques, exploitation de la mendicité et incitation à commettre des délits… Je me félicite à ce titre d’avoir rédigé un rapport que j’ai remis au Président de l’Assemblée nationale dans le cadre d’une mission commune de l’Assemblée nationale pour traiter de ce que nous avions appelé les « formes de l’esclavage aujourd’hui en France ». C’était en 2001, et nous trouvons, quinze ans après, que la situation a très insuffisamment changé. Beaucoup pensent que ce phénomène n’existe pas dans la France du 21e siècle. Je veux dire par là qu’il n’y a pas véritablement de prise de conscience suffisante de la gravité de ces questions et des malheurs qui frappent beaucoup trop d’habitants de ce pays.

Les liens entre traite des êtres humains et travail forcé sont très étroits, même si les deux phénomènes sont distincts. La définition de la traite est très large, elle est récente et a été améliorée grâce à la transposition de la directive européenne de 2011 : recruter, transporter, transférer, héberger, accueillir une personne en ayant recours à la force, à la contrainte, à la tromperie ou à toutes sortes de moyens en vue de l’exploiter.

Selon la Convention 29 de l’OIT, le travail forcé désigne tout travail ou service exigés d’un individu sous la menace d’une peine quelconque et pour lequel ledit individu ne s’est pas offert de plein gré. Le travail forcé existe dès lors qu’il est imposé par les autorités publiques, souvent par des entreprises privées, quelquefois par des particuliers. Ce concept de travail forcé est défini de manière assez large et couvre une large gamme de pratiques coercitives qui adviennent dans toutes sortes d’activités économiques et dans toutes les régions du monde. Le travail forcé constitue donc une forme d’exploitation d’un degré de gravité moindre que celui de la servitude, présentant elle-même un degré de gravité inférieur à celui de l’esclavage.

La ratification du Protocole additionnel à la Convention 29 est importante, d’abord parce que c’est un engagement du Président de la République et que pour renforcer son caractère juridiquement contraignant il convient que la France le ratifie dans les plus brefs délais. Ce protocole constitue un nouvel instrument juridiquement contraignant qui impose aux Etats parties de prendre des mesures efficaces pour prévenir le travail forcé, protéger les victimes et leur donner accès à des mécanismes de recours et de réparation qui sont encore insuffisants. Des textes au terrain, il existe un « gap » considérable. Ce Protocole demande aux Etats d’assurer la libération, le rétablissement et la réadaptation effectifs des victimes de l’esclavage moderne.

Photo : RSE et PED

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Contributeur(s)
Evelyne Pichenot
Evelyne Pichenot est Membre honoraire du Comité économique et social européen à Bruxelles ainsi que du Conseil économique, social et environnemental de France après y avoir siégé une quinzaine [...]
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