Analyse comparative de l’engagement social et environnemental du secteur privé marocain : cas des groupes Managem et Lafarge Maroc

2013 - - Mohamed Semmaa, Doctorant & Chargé de mission RSE

Cet article a été écrit par :

Mohamed SEMMAA

Doctorant & Chargé de mission RSE

msemmae [at] gmail.com

Le sujet de la responsabilité sociétale des entreprises suscite actuellement une attention particulière, tant au niveau académique que professionnel. Cette évolution s’explique par les enjeux de la redéfinition des frontières des relations de l’entreprise avec ses différentes parties prenantes. L’intérêt des praticiens se manifeste par un foisonnement des discours (rapports de développement durable), une mise en place de nouvelles fonctions managériales et une intense production d’outils et de normes de reporting extra-financier. Sur le plan académique, la RSE se caractérise par une pluralité conceptuelle (responsiveness, stakeholder, performance sociétale de l’entreprise, corporate citizenship, etc.).

Au Maroc, la RSE reste encore dans un stade embryonnaire mais elle commence à occuper les préoccupations du secteur privé marocain. Dans ce sens, l’organisation des premières assises de la RSE par la CGEM en mai 2011 reflète la volonté du secteur privé marocain de satisfaire à des engagements environnementaux et sociétaux vis-à-vis de ses parties prenantes. Cette volonté va de paire avec les grandes orientations du Maroc en matière de développement durable et de protection de l’environnement.

L’intérêt du secteur privé marocain à la responsabilité sociétale des entreprises se manifeste essentiellement par la mise en place des pratiques à caractère social et environnemental. Cela s’explique par l’évolution de l’environnement des affaires au Maroc, à travers le développement de l’arsenal juridique et des pratiques professionnelles dans le domaine de social et de développement durable. A cet égard, plusieurs entreprises marocaines ont adopté ou prévoient l’adoption des normes nationales (label RSE de la CGEM en particulier) et internationales (ISO 26000, ISO 14001, GRI, etc.) en matière du développement durable. Ces pratiques se traduisent souvent par la création d’une direction de développement durable ainsi que la mise en place d’un système d’audit et de suivi de l’ensemble des actions menées.

L’objectif de cet article est de présenter des bonnes pratiques de deux sociétés marocaines en matière des engagements sociétaux et environnementaux.

Cas du Groupe Managem :

Le groupe Managem est une société marocaine spécialisée dans l’extraction, l’exploitation et la valorisation des substances minières. La nature de son activité lui impose une prise en compte permanente des enjeux du développement durable (économique, social et environnemental).

A cet effet, La Responsabilité Sociétale d’Entreprise (RSE) représente une obligation sociétale du groupe vis-à-vis de ses parties prenantes, notamment dans les sites d’exploitation minière. Ainsi, l’activité minière de l’entreprise permet de participer au développement économique et social de la région d’implantation, à travers trois volets :

–       Volet économique : La création d’emplois, l’électrification et la construction des routes et des ponts ;

–       Volet social : La participation à la scolarisation des enfants, l’amélioration de la situation de la femme par la promotion des activités génératrices de revenus (AGR) et la mise en service de l’eau potable ;

–       Volet environnemental : gestion et recyclage des déchets industriels et l’adoption de la norme 140001.

 

Encadré 1 : Exemple d’une action RSE du Groupe Managem : la valorisation des déchets électroniques par CTT – Guemassa, filiale du Groupe Managem

Contexte du projet :

Dans le cadre de sa politique de développement durable, le Groupe Managem a mis en place une filière de recyclage pour permettre la valorisation de ses déchets à base de métaux non ferreux et métaux précieux. A cet effet, en décembre 2009, un partenariat a été conclu entre la société CTT et l’association Al Jisr dont l’objectif est de dote le projet d’une dimension plus large, en y intégrant la dimension sociale (formation, éduction, etc.). A travers ce partenariat, l’association Al Jisr, grâce au projet Green Chip, se charge de collecter, démanteler et trier les déchets et la société valorise les déchets démantelés.

Retombées sociales et environnementales :

Les retombées de ce projet sont très bénéfiques sur la société et son partenaire. Au niveau social, il permet de mettre en place une formation diplômante de 65 jeunes déscolarisés  dans le domaine de la maintenance informatique. Ces jeunes bénéficieront d’un accompagnement dans leur insertion professionnelle et dans la création de leur micro entreprise. Au niveau environnemental, le projet permettra l’élimination de 2000 tonnes de déchets de matériels informatique par an, générés par la technologie des systèmes d’information.

Contribution à la performance de CTT :

Le démantèlement et le recyclage de 100 000 ordinateurs permettra à la société de générer un chiffre d’affaires annuel entre 10 à 13 Millions DH.

Par son engagement sociétal, le Groupe Managem perçoit la RSE comme un processus volontaire d’amélioration de la performance de l’entreprise par la prise en compte des enjeux sociétaux et environnementaux. Il s’agit notamment de répondre aux attentes des différentes parties prenantes (consommateurs, population des sites miniers, pouvoirs publics, etc.), en assurant une meilleure contribution à leur satisfaction et leur développement économique et social.

La dimension stratégique de la RSE dans la stratégie du Groupe Managem se traduit par sa volonté de développer des pratiques sociétales, conformément à des normes institutionnelles reconnues à l’échelle nationale et internationale. En 2011, les deux sociétés du Groupe CTT et CMG ont adopté le label RSE de la CGEM.

Cas du Groupe Lafarge Maroc :

Lafarge Maroc fait partie du groupe Lafarge depuis 1929 et a connu de grandes évolutions depuis cette date. En effet, Lafarge Maroc est aujourd’hui leader du secteur cimentier avec plus de 41% de parts de marché et regroupe quatre usines : Bouskoura, Meknès, Tétouan et Tanger.

Consciente des enjeux importants de la RSE, Lafarge Maroc a créé en 2004 une direction « développement durable et relations publiques ». Cette direction prend en charge les questions  liées aux engagements sociétaux et environnementaux du leader cimentier marocain.

 

Encadré 2 : Axes de la politique RSE du Groupe Lafarge Maroc

La préservation de l’environnement : Dans son plan Ambition Durable 2012, Lafarge met l’accent sur trois priorités : la lutte contre le réchauffement climatique, la réhabilitation des carrières, la sécurité et la santé. Lafarge ambitionne aussi de réduire encore l’impact sur l’environnement de sa principale activité, la production de ciment, en diminuant de 20 % la quantité de CO2 par tonne produite et de 30 % les poussières émises d’ici 2012.

Priorité aux énergies renouvelables : Construire son propre parc éolien. En 2005, Lafarge Maroc a construit son propre parc éolien dans la cimenterie de Tétouan, une première dans le monde. D’une puissance de 10 MW, il couvre 40 % des besoins énergétiques du site. L’extension des besoins a conduit l’entreprise à renforcer sa capacité globale. Porté à 32 MW, il permet aujourd’hui d’économiser 90.000 tonnes de gaz à effet de serre. En mars 2008, Lafarge a également signé avec Nareva holding, filiale de l’ONA, un accord pour la réalisation d’une étude de faisabilité d’un nouveau parc éolien de 50 à 100 MW qui alimentera deux autres cimenteries marocaines.

Réhabiliter des carrières : Au Maroc, deux conventions ont été signées avec l’Institut National de la Recherche Agronomique (INRA) et le Haut Commissariat aux Eaux et Forêts, pour faciliter le reboisement et la régénération de la faune et de la flore. Résultats : 132.000 arbres plantés sur une surface de 200 hectares, un investissement de 22 millions de dirhams. Enfin, le leader national des matériaux de construction participe directement à la réhabilitation du parc casablancais de l’Ermitage, mené avec la Fondation Mohammed-VI pour l’environnement, la Wilaya et les Collectivités locales.

Construire des partenariats durables : En 2003, à Saddina, près de Tétouan, Lafarge lance pour la première fois une étude d’impact environnemental et social sur un projet d’implantation d’une nouvelle usine et d’un parc éolien. Le site est montagneux. S’y accroche un douar enclavé à 9 km de la ville, dépourvu de moyen de transport. L’objectif est de construire de bonnes relations avec les riverains, de leur expliquer le projet en allant à leur rencontre sur le terrain. En montrant sa volonté de contribuer au progrès économique et social des communautés locales, le groupe a su convaincre et faire accepter le projet.

La politique RSE du Groupe Lafarge Maroc repose sur trois principaux domaines d’intervention conduits, soit au profit des personnes et des communautés proches des sites du Groupe, soit au niveau national pour des œuvres d’intérêt général :

–    La protection de l’environnement.

–    La formation et le développement des compétences par la contribution à la lutte contre l’alphabétisation, par la formation professionnelle et par le soutien à des associations.

–    Le caritatif et le culturel par le biais des dons destinés à l’aide des associations humanitaires et culturelles.

En combinant entre « les principes d’action du Groupe Lafarge » et « l’ambition Lafarge Maroc », Lafarge Marc est l’une des sociétés pionnières au Maroc en matière de respect des engagements sociétaux et environnementaux. Cette ambition s’est traduite par l’adoption de label RSE de la CGEM depuis sa création en 2007.

Synthèse des deux études de cas :

Le choix des deux sociétés a été essentiellement justifié par la place qu’elles accordent à la Responsabilité Sociétale des Entreprises. Des pratiques sociales et environnementales qui se traduisent par un impact élevé sur leur performance financière, économique et sociale.

Les caractéristiques des deux groupes Lafrage et Managem expliquent l’importance qu’elles accordent à la responsabilité sociétale des entreprises. Ainsi, les deux sociétés sont engagées dans un domaine d’activité très polluant, qui nécessite une prise en compte permanente des enjeux du développement durable. Il s’agit notamment de respecter l’environnement, de veiller à la vie des collaborateurs et de préserver les ressources naturelles par une utilisation équitable et raisonnable.

De son côté,  le groupe Managem inscrit sa démarche RSE dans un cadre normatif et institutionnel reconnu par des institutions à l’échelon national et international. Il s’agit notamment des dispositifs suivants :

–       Label RSE de la CGEM : Deux sociétés du Groupe sont actuellement labélisées.

–       Certification ISO 14001 et valorisation des déchets (projet sulfate de sodium, pyrrhotine et D3E).

–       Processus d’achat certifiés selon la norme ISO9001 V2008 et code déontologique.

Par ailleurs, la société Lafarge Maroc inscrit ses actions dans le respect des principes d’action du Groupe Lafarge et les exigences de son environnement local. Dans ce sens, le rapport développement durable du Groupe Lafarge de 2010 permet de relever les ambitions escomptées à l’horizon de l’an 2012. Ces directives qui sont généralisées sur tous les sites du Groupe dans le monde, visent essentiellement l’atteinte des objectifs suivants :

–       Développer un programme complet de santé professionnelle à l’échelle du Groupe, comprenant au minimum un examen médical régulier.

–       Avoir mené un audit environnemental depuis moins de quatre ans sur l’ensemble des sites du Groupe.

–       Réduire les émissions de SO2 de des cimenteries de 20 % sur la période 2005-2012.

–       En matière de sécurité, réduire le taux de fréquence des accidents du travail avec arrêt pour les employés Lafarge à 0,94 ou moins.

Sur le plan normatif, Lafarge Maroc adopte une démarche RSE respectant des normes institutionnelles reconnues aussi bien à l’échelle nationale qu’à l’échelle internationale.

Ces deux études de cas reflètent l’engagement volontaire des sociétés Managem et Lafarge Maroc en matière sociale et environnementale et démontrent l’importance de la démarche RSE dans l’amélioration de la performance sociale et financière des deux sociétés. Dans ce sens, les sociétés du secteur privé marocain doivent être sensibilisées au sujet de la responsabilité sociétale des entreprises par la généralisation des meilleures pratiques sociétales et environnementales.

 

Thèmes associés : | | | | | | | |

Secteurs associés : |

Domaines associés de la RSE : | | |

Pays associés :

Entreprises associées : |

Acteurs associés :

Contributeur(s)
Mohamed Semmaa
Doctorant au Conservatoire National des Arts et Métiers (CNAM) de Paris, je m’intéresse aux problématiques de gestion des projets de RES dans les relations siège-filiales au sein des firmes [...]
» En savoir plus sur le contributeur

Nos partenaires