La Cour de la CEDEAO ordonne au gouvernement du Nigeria de sanctionner les compagnies pétrolières responsables de pollution

17 décembre 2012 - Amnesty International

[communiqué de presse Amnesty International]

« Alors que deux représentants de la communauté de Bodo achèvent aujourd’hui une tournée en France avec Amnesty International pour sensibiliser aux problèmes de pollution dans le delta du Niger au Nigéria, l’organisation salue le jugement rendu vendredi 14 décembre de la Cour de justice de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Cette décision marque un tournant dans la responsabilisation des gouvernements et des entreprises en matière de pollution, ont déclaré Amnesty International et le Projet pour la responsabilité et les droits socio-économiques (SERAP).

Dans l’affaire SERAP c. Nigeria, la Cour a conclu à l’unanimité que le gouvernement nigérian était responsable des violations commises par les compagnies pétrolières et a indiqué clairement que le gouvernement devait demander aux entreprises et autres responsables de rendre des comptes.

Selon la Cour, le droit à l’alimentation et à la vie sociale des peuples du delta du Niger a été violé par la détérioration de leur environnement, détruisant ainsi leur possibilité de gagner leur vie et de jouir d’un niveau de vie sain et suffisant. La Cour a également déclaré que le gouvernement et les compagnies pétrolières avaient violé les droits fondamentaux et culturels des peuples de la région.

La Cour a statué que l’incapacité du gouvernement à promulguer des lois efficaces et à établir des institutions capables de réglementer les activités des entreprises, associée à son incapacité à traduire en justice les auteurs de la pollution, équivalait à une violation des obligations et engagements internationaux du Nigeria en matière de droits humains.

Elle  a souligné que « la qualité de vie des personnes étant déterminée par la qualité de l’environnement, le gouvernement avait manqué à son devoir de maintenir un environnement satisfaisant et propice au développement de la région du delta du Niger ».

« Cet arrêt confirme l’incapacité persistante du gouvernement nigérian à punir efficacement les compagnies pétrolières qui ont causé la pollution et perpétré de graves violations des droits humains, et constitue une étape importante vers la responsabilisation des entreprises publiques et pétrolières qui continuent à privilégier le profit aux dépens du bien-être des peuples de la région », ont déclaré Femi Falana SAN et Adetokunbo Mumuni au nom du SERAP.

« C’est un précédent important pour la défense du droit à un environnement sain, qui réaffirme le droit du peuple nigérian à une vie exempte de toute pollution et fait apparaître clairement que les compagnies pétrolières doivent rendre des comptes au gouvernement », a déclaré Michael Bochenek, directeur du programme Droit et politique à Amnesty International.

« Le jugement indique clairement que le gouvernement nigérian n’a pas réussi à empêcher les compagnies pétrolières responsables de la pollution actuelle à poursuivre leurs activités polluantes. Il s’agit d’un grand pas en avant pour la responsabilisation du gouvernement et des compagnies pétrolières coupables depuis des années de dévastation et de misère », a déclaré Michael Bochenek.

Le tribunal demande maintenant au gouvernement d’agir rapidement pour mettre pleinement en œuvre le jugement et restaurer la dignité et l’humanité des peuples de la région.

« Le jugement intervient alors que du pétrole est découvert dans de nombreux États membres de la CEDEAO. Il est essentiel pour les autres États de tenir compte de cet arrêt, qui fixe des normes minimales à respecter pour les gouvernements et les compagnies pétrolières impliquées dans l’exploitation du pétrole et du gaz dans la région », ont ajouté Femi Falana et Adetokunbo Mumuni.

« Le temps est venu pour le gouvernement nigérian de faire face aux puissantes compagnies pétrolières qui ont violé les droits fondamentaux des peuples du delta du Niger en toute impunité depuis des décennies », a déclaré Michael Bochenek.

« Nous félicitons la Cour de justice  de la CEDEAO pour sa défense des droits et de la dignité des peuples du delta du Niger. Nous reconnaissons également l’importante contribution juridique de Kolawole Olaniyan d’Amnesty International dans cette affaire », ont déclaré Femi Falana et Adetokunbo Mumuni.

L’affaire avait été engagée contre le gouvernement fédéral et six compagnies pétrolières pour association de violation des droits humains et pollution par hydrocarbures dans le delta du Niger.

La partie plaignante accusait « les violations du droit à un niveau de vie suffisant, y compris le droit à l’alimentation, au travail, à la santé, à l’eau, à la vie et à la dignité humaine, à un environnement propre et sain et au développement économique et social, comme conséquences directes de l’impact de la pollution liée au pétrole et les dommages environnementaux sur l’agriculture et la pêche ».

Le SERAP accusait également « les déversements d’hydrocarbures et de déchets polluants dans l’eau à usage domestique y compris la boisson, l’échec à sécuriser les paramètres de santé, y compris un environnement sain, et l’incapacité à faire respecter les lois et règlements pour protéger l’environnement et prévenir la pollution. »

La Cour a rejeté les objections du gouvernement qui soutenait que le SERAP n’était pas habilité à intervenir, que la Cour de la CEDEAO n’avait pas compétence pour le recevoir, et que l’affaire était prescrite. La Cour a également rejeté les efforts déployés par le gouvernement pour exclure le rapport de l’année 2009 d’Amnesty International sur l’étude de la pollution pétrolière. Le rapport est basé sur une enquête approfondie de la pollution causée par les compagnies pétrolières internationales, en particulier Shell, et l’échec du gouvernement du Nigeria à prévenir la pollution ou sanctionner les entreprises.

La plainte ECW/CCJ/APP/08/09 a été défendue par les conseillers juridiques du SERAP, Femi Falana SAN, Adetokunbo Mumuni et Sola Egbeyinka.

Le jugement a été rendu par un panel de six juges : Awa Nana Daboya ; Benefeito Mosso Ramos ; Hansine Donli ; Alfred Benin ; Clotilde Medeganet Eliam Potey.

L’article 15 (4) du Traité de la CEDEAO rend l’arrêt de la Cour contraignant pour les États membres de la CEDEAO, y compris le Nigeria. En outre, l’article 19 (2) du Protocole de 1991 prévoit que les décisions de la Cour sont définitives et d’application immédiate. Le non-respect de l’arrêt de la Cour peut être sanctionné en vertu de l’article 24 du Protocole additionnel de la Cour de Justice de la CEDEAO, et de l’article 77 du Traité de la CEDEAO.

 

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