Leadership Féminin dans l’Economie Africaine : portrait de Nathalie Kpanté

7 mars 2018 - www.RSE-et-PED.info -

RSE et PED est allée à la rencontre de Nathalie Kpanté, jeune femme entrepreneure togolaise. Découvrez le portrait d’une femme leader africaine.

Bonjour Madame Kpanté, pourriez-vous dans un premier temps vous présenter ainsi que votre parcours ?

« Bonjour, je suis Mme KPANTE Gambah Labopou connu sous le nom de Nathalie KPANTE. J’ai 30 ans, mariée et mère d’une petite fille. Arès mon BACII, j’ai fait deux ans au département des sciences naturelles que j’ai ensuite quitté pour faire la sociologie. J’ai fait aussi une licence en gestion de projet et passation de marché. J’effectue actuellement une petite pause mais je compte reprendre bientôt. Tout en étant au campus, je travaillais avec des ONG locales spécialisées dans l’aide à l’enfance et le développement rural. Je gérais aussi un pressing avec l’aide de mes parents. »

Pourriez-présenter votre activité CHOCO TOGO ?

« SCOOPS CHOCO TOGO est une coopérative spécialisée dans la promotion, la production, la commercialisation et la transformation du cacao togolais. Nous faisons la transformation artisanale du cacao en chocolat et divers produits dérivés en vue de leur valorisation et leur commercialisation sur le marché local, régional et international, pour accroître et diversifier les revenus des transformateurs et favoriser ainsi la création d’emploi.

CHOCO TOGO est un chocolat artisanal produit en utilisant les méthodes traditionnelles depuis la sélection des fèves jusqu’à l’obtention du produit fini. Comparé au chocolat industriel, qui contient des additifs chimique ou huiles, CHOCO TOGO fait ressortir l’arôme naturel qui provient du cacao.  Nous n’utilisons aucun arôme chimique. Nous utilisons juste la pâte de cacao, le sucre roux, l’arachide, le gingembre, la noix de coco suivant un processus qui donne une originalité à notre chocolat.

Nous formons aussi des femmes et jeunes filles des milieux ruraux en transformation du cacao et avons initié le tourisme responsable ‘’sur la route du cacao’’ pour créer un pont entre le monde des producteurs du cacao et celui des consommateurs du chocolat.

CHOCO TOGO est aujourd’hui la première structure productrice de chocolat au Togo. »

Pourquoi et comment avez-vous décidé de devenir entrepreneure ?

« Depuis mon enfance, j’aime être libre dans mes actes, mouvements et pensées. Je ne me vois pas dans une entreprise coincée à respecter l’ordre de quelqu’un (rire). J’ai alors commencé à travailler avec des ONG pour acquérir des expériences et créer ma propre entreprise à la fin de mes études. J’ai toujours su que j’étais faite pour l’agrobusiness. »

 

Comment s’est passé votre parcours en tant que porteuse de projets ? Avez-vous rencontré des difficultés et si oui lesquelles, en particulier liées à votre statut de femme et à votre couleur de peau ?

« Mon parcours n’a pas du tout été facile. Il y avait au début l’hostilité de mes parents face à mon choix d’entreprendre. Selon eux je perdais mon temps et mes chances de trouver un bon boulot. Aussi en tant que coopérative de jeunes, tout le monde n’avait pas les mêmes ambitions et engagements. Donc au début, j’ai joué plusieurs rôles à la fois pour que le bateau ne coule pas (rire). Dans notre contexte, tout le monde n’est pas en mesure de comprendre qu’en entreprise, il n’y a pas question de femme ou d’homme. J’ai eu à entendre cette phrase : « c’est avec ton mari à la maison que tu vas faire ça » juste pour te rappeler qu’après tout, tu es une femme donc inférieure à l’homme. C’est une question d’éducation et il faut savoir s’imposer pour être respectée. »

 

Quelle a été votre plus grande réalisation, fierté dans votre parcours ?

« Ma plus grande réalisation c’est ma participation au Mandela Washington Fellowship du programme YALI initié par le Président OBAMA en 2016. C’était comme une récompense après de durs labeurs. Ce programme a changé ma vie et a ouvert beaucoup de portes pour nous.

Ma fierté aujourd’hui est de faire partie de ceux qui ont révolutionné l’histoire du cacao au Togo. Nous sommes les pionniers de la chocolaterie au Togo. »

 

Est-ce que vous avez une figure inspiratrice ?

« OUI. J’ai une figure qui m’inspire mais elle n’est pas parmi les stars de télévisions, de la politique ou quoi que ce soit. Il s’agit de ma grand-mère BINAH Gbédah Jacqueline à qui je rends hommage aujourd’hui. Elle n’a jamais été à l’école, mais elle a été une grande entrepreneuse de son temps. Elle avait grâce à ses affaires, réuni les moyens nécessaires pour acquérir un grand immeuble au centre-ville. Mais à l’époque, elle en avait été dissuadée en raison de son statut de ‘’femme’’. Son histoire m’encourage à faire mieux et relever ce défis pour les femmes. »

 

Est-ce que vous intégrez la RSE dans le fonctionnement de votre entreprise ? Si oui comment ? Et vous a-t-elle apporté des opportunités de développement ?

« OUI. CHOCO TOGO aujourd’hui a un projet de développement d’incubateur dans la localité où nous nous approvisionnons en cacao certifié bio équitable pour ainsi participer au développement des communautés de cacaoculture. »

 

L’Afrique cumule le plus grand nombre de femmes entrepreneures au monde. Est-ce que cela vous parle ? Et d’après vous pourquoi ?

« La femme africaine a toujours été entreprenante. Même celles qui sont ménagères font un travail qui engage rémunération seulement ce travail n’est pas reconnu et valorisé. La femme est un être de nature complexe. Elle peut faire une multitude choses à la fois. Et pour moi, c’est une erreur de considérer la femme comme un ‘’sexe faible’’ juste à cause de son endurance physique. »

 

Quels conseils donneriez-vous à des femmes (africaines) entrepreneures qui souhaiteraient lancer leur projet ?

« Les femmes ont plus de défis à relever que les hommes. Non seulement elles doivent s’occuper de leur business mais aussi de leur mari et enfants au cas où elles fondent une famille. Et pour moi, cette seconde catégorie aussi forme une autre entreprise à gérer. Mais une fois le produit ou service sur le marché, on ne se demande pas si c’est fait par un homme ou une femme. La question qui se pose concerne la qualité. Donc, il faut relever vite les défis et aller de l’avant. Nous avons beaucoup à donner au monde. »

 

Selon vous quelles seraient les mesures à prendre en priorité permettant de favoriser l’entrepreneuriat des femmes en Afrique ?

« Il faut que la femme soit éduquée. A chaque fois que l’occasion se présente, je n’hésite pas à le dire :’’ le contenu de l’éducation doit être revu surtout dans les pays d’Afrique francophone pour valoriser l’entrepreneuriat. Tout se joue dès le bas âge’’. »

 

Comment voyez-vous la suite de vos projets ?

« Continuer à développer nos produits et services au niveau de la coopérative. Je compte me lancer dans l’agriculture contre saison qui est aussi un grand défi à relever. Continuer aussi à partager mon expérience avec les autres jeunes et surtout les femmes et jeunes filles pour leur autonomisation. »

Auriez-vous quelque chose à ajouter concernant notre thématique des femmes africaines dans l’économie africaine ?

« La femme joue un grand rôle dans l’économie qui n’est pas souvent reconnu parce qu’étant dans le secteur informel. Mais nous devons prendre conscience de cela pour être réellement épanoui.e.s. J’inviterai aussi les parents à éduquer leurs garçons afin qu’ils respectent et valorisent les femmes au même moment qu’on éduque les filles à être autonomes. Beaucoup de femmes ont vu leurs rêves brisés parce qu’elles sont tombées sur un mari ou collègue mal éduqué quant à la valeur de la femme. »

 

Cet entretien a été réalisé le 3 mars 2018

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