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Compte-rendu « La dimension interculturelle de la RSE » – Webinaire du 8 mars 2014

Le 8 mars 2014 -

Cet évènement s’inscrit dans le programme de webinaires RSE et PED  pour diffuser plus largement la RSE au Sud.

Il est le fruit d’un partenariat entre RSE et PED et RSE et Interculturalité, réseau créé en février 2013, constitué de chercheurs et de praticiens internationaux. Ce réseau se propose de favoriser la recherche de solutions territoriales en matière de RSE, ce qui conduit notamment à valoriser les pratiques, y compris informelles, issues du terrain et à redonner toute sa place à l’analyse interculturelle. Une « RSE par le bas » tend ainsi à compléter les démarches normatives internationales « par le haut ». L’un des deux champs d’étude principaux de RSE&I est la médiation dans le domaine économique dans lequel s’inscrit ce webinaire.

Compte-rendu

Nos trois intervenants ont fait leurs exposés sur les thèmes suivants :
Alexandre Wong a introduit les concepts de RSE africaine et d’interculturalité, ainsi que le réseau RSE & Interculturalité que lui et Pierre représentent ;
Pierre Hildebrandt a présenté les résultats de deux recherches terrain sur la médiation qui prennent l’interculturalité comme prisme – en Côte d’Ivoire et Burkina Faso ;
Yannick Aboh a présenté les résultats d’un sondage de la CGECI auprès de PME ivoiriennes sur leurs pratiques RSE.

L’interculturalité s’est révélée être un thème qui interpelle, et les remarques et questions des participants ont été nombreuses. Commençons tout d’abord avec une définition, fournie par Alexandre Wong :

« La notion d’interculturalité se caractérise surtout par une absence de définition stable car en constante évolution et sujette à controverses. Clanet en donne cette définition académique : L’interculturalité désigne « l’ensemble des processus — psychiques, relationnels, groupaux, institutionnels… — générés par les interactions de cultures, dans un rapport d’échanges réciproques et dans une perspective de sauvegarde d’une relative identité culturelle des partenaires en relation ». Cette notion se distingue du multiculturalisme (de la coexistence d’une diversité de cultures dans un même espace national, professionnel etc.), de l’intraculturalisme ou de la transculturalité (théorie développée par W. Welsh mettant l’accent sur la dimension processuelle de la culture).

Par culture, il faut comprendre au moins trois domaines : la culture d’entreprise (la capacité des organisations à produire leurs propres règles et valeurs), la culture de métier (les secteurs d’activité et les professions qui rassemblent autour des mêmes savoirs, savoir-faire et représentations), la culture politique (les traditions particulières en matière de gouvernement des personnes). Philippe d’Iribarne dissèque cette notion dans « Penser la diversité du monde » (ch.4). Je vous recommande cette lecture. »

Un certain nombre de remarques ont porté sur les ambiguïtés et les dérives auxquelles peuvent mener les aspects culturels, qui sont parfois utilisés à mauvais escient :

  • Une participante de France questionne : « quelle différence entre la prise en compte de cette inter-culturalité et sa déviance qui serait en effet, d’ « acheter » /utiliser certains traits culturels locaux pour la licence d’opérer ? » et rappelle « le cas de Vedanta en Inde qui n’a eu aucune volonté de « résoudre » le conflit »
  • Quelqu’un du Bénin renchérit : « A propos de la représentativité de la communauté il est à craindre que les organisations qui prétendent défendre la communauté oeuvrent plutôt pour les intérêts individuels de certaines personnes »
  • Une participante du Maroc cite : « Maroc Telecom [qui] dans son rapport extra-financiers met l’accent sur l’événementiel comme actions de RSE, alors qu’il y a une grande insatisfaction par rapport à sa qualité de ses services » ainsi que l’exemple de l’utilisation de la religion par les entreprises « par exemple les fêtes religieuses on donne une prime aux employés »
  • Un participant (ONG) de RD Congo remarque : « L’octroi des licences doit se négocier avec les communautés locales. On ne peut pas à mon avis accorder la licence à une entreprise qui doit déplacer les communautés locales. Celles-ci peuvent se déplacer sans problème, mais comment déplacer aussi ses morts, ses ancêtres ? »
  • Et poursuit « Comment la société civile peut elle jouer pleinement son rôle en tant qu’acteur dans cette répartition des responsabilités alors qu’ici en RDC elle est plurielle ? » (ce qui peut mener à des conflits et des contradictions)

La discussion a ensuite porté sur l’importance de bien prendre en compte toutes les parties prenantes :

  • « L’Etat a un rôle primordial mais je pense qu’il faut renforcer plutôt le rôle des syndicats et les associations de consommateurs » (Maroc)
  • Un participant d’ONG de RD Congo souligne le rôle des ONG pour la mise en place de pratiques RSE de qualité : « nous organisations de la société civile avons du pain sur la planche »

Un certain nombre de remarques ont finalement souligné l’importance d’une RSE de qualité en Afrique, qui serve le développement économique et le succès des entreprises :

  • Un participant du Cameroun demande : « Le paternalisme d’entreprise n’est-il pas souvent une façon pour l’employeur de faire croire à ses employés qu’ils bénéficient de ses largesses, alors que les actions menées relèvent de leurs droits en tant que travailleurs ? Le paternalisme d’entreprise est synonyme de improductivité qui est la principale source de contre performance de nos PME »
  • Notre participante du Maroc précise : « Un petit travail a été mené dans le cadre d’un cours de la RSE dans une école de gestion et de commerce sur les pratiques de certains entreprises et on a remarqué que certains responsables avancent des dispositifs de loi comme étant des pratiques de RSE (ex.: présence de comité d’hygiène et sécurité)
  • Une ONG de RD Congo cite en exemple : « Avec la complicité des certaines autorités politiques, les opérateurs miniers ne mettent sur pied aucune politique pour assurer le développement durable. C’est pourquoi nous menons des plaidoyer pour que chaque entreprise minière, dont nombreuses sont tenues par des Chinois se conforment à la RSE »
  • A la question d’un participant de RD Congo « Ne faut il pas envisager la mise en place par nos gouvernements des mesures contraignantes pour amener les PME africaines à respecter leurs RSE ? un participant du Cameroun répond : « que [les PME devraient] commencent par respecter déjà les textes en vigueur : contrats formels, paiement régulier des salaires, liberté syndicale, équité dans la rémunération… »
  • Une participante du Sénégal questionne : « Les entreprises multinationales développent-elles dans le cadre de leur RSE un processus pour accompagner leurs PME fournisseurs à intégrer plus la RSE ? », et un participant du Cameroun répond : « Un salarié non informé de ses droits est un salarié qui sera toujours abusé. Il faut former tous les acteurs de la chaîne de création de la valeur, localement comme à l’international »
  • Un participant français a partagé ce commentaire post-webinaire par email, montrant l’intérêt de l’interculturalité pour les entreprises françaises : « Il me semble que les entreprises en France auraient tout intérêt à mieux intégrer la dimension interculturelle de la RSE. La diversité des cultures en France ne doit pas seulement être perçue comme un problème par des managers qui se trouvent confrontés à des collaborateurs ayant parfois un sens de la responsabilité qui croisent des valeurs républicaines et communautaires; mais comme un plus, voire un avantage, à condition de ne pas considérer que les valeurs communautaires sont a priori incompatibles avec les valeurs promues par les entreprises en France…Les recherches-actions au Burkina et en Côte d’Ivoire peuvent par conséquent apporter des enseignements aux entreprises en France. Il faudrait rendre tangibles les avantages économiques et sociaux liés à une meilleure prise en compte des approches africaines de RSE en France. »

Les participants ont conclu en émettant le souhait qu’un Forum soit créé pour continuer la discussion, ce que nous avons fait : aller voir le forum. Un participant d’ONG de RD Congo souhaite aussi réfléchir sur comment engager les entreprises minières chinoises opérant en RD Congo à améliorer leurs pratiques.

Un grand merci aux intervenants et aux participants ! Nous organiserons d’autres webinaires sur le thème de l’interculturalité et des parties prenantes compte-tenu de l’intérêt soulevé par le thème.

Biographies

Alexandre WONG, Coordonnateur du réseau RSE & interculturalité. Chercheur associé au CNRS (UPR 76), docteur en philosophie (Université Panthéon-Sorbonne, 2002), et consultant (RH, RSE & Diversité), ses travaux de recherche portent sur l’histoire et l’évolution politique et économique de l’individu contemporain, et sur les approches interculturelles en matière de responsabilité sociétale des entreprises. Il est le co-auteur du Livre Blanc Les responsabilités sociétales des entreprises en Afrique francophone (Edition Charles Léopold Mayer, 2011).

Pierre HILBRANDT, Membre du réseau RSE & interculturalité. Diplômé de l’Ecole Supérieure de Commerce de Paris, et de l’Institut d’Etudes Politiques de Paris, Pierre Hilbrandt est Responsable Diversité du Groupe Caisse des Dépôts. Il a été aussi en charge du développement et du suivi de programmes de formation internationaux (MBA et écoles professionnelles) de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Paris (CCIP) et de son réseau de Grandes Ecoles (HEC, ESCP-Europe, Négocia…) sur les zones Asie du Sud-Est, Afrique du Nord, Europe du Sud. Il est le co-auteur de l’ouvrage Je ressens, tu ressens, nous sommes… Remettre l’humain et ses émotions au cœur des entreprises et des administrations (La documentation française, 2012).

Yannick ABOH, Assistant sur les questions de Gouvernance et de Responsabilité Sociale des Entreprises à la Confédération Générale des Entreprises de Côte d’Ivoire ‘le Patronat Ivoirien’. Il est le contributeur de RSE et Développement pour la Côte d’Ivoire. Diplômé d’une Maîtrise de Droit des affaires et d’un Master  2 en Ethique Economique et Développement Durable obtenu à l’Institut Africain pour le Développement Economique et Social (Inades). Il a récemment travaillé avec son équipe sur la suppression des sachets plastiques en Côte d’Ivoire et est auteur de plusieurs articles sur le développement durable (« développement durable, plus qu’un modèle, un comportement » / « RSE et gestion du personnel« ). D’autre part, il mène actuellement une étude sur le niveau d’intégration de la RSE dans les pratiques managériales des Petites et Moyennes Entreprises (PME) membres de la CGECI.

Photo: RSE et PED, tambour Lombok

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