Enquête : le vide juridique suisse mène à des abus dans l’extraction de l’or au Burkina Faso

15 février 2016 - Pain pour le Prochain [Suisse]

Lire le rapport : « Le profit plus important que les droits humains ? L’extraction de l’or au Burkina Faso et la responsabilité de la Suisse »

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« Le laxisme de la législation suisse favorise les pratiques abusives des entreprises de notre pays à l’étranger. Au Burkina Faso, 14 000 personnes ont été déplacées pour laisser la place à trois mines d’or, qui extraient de l’or raffiné ensuite en Suisse. Ces personnes ont perdu tous leurs moyens de subsistance. C’est ce que montre une nouvelle étude d’Action de Carême et Pain pour le prochain. Avec Etre partenaires, les deux organisations soutiennent l’initiative « Pour des multinationales responsables » afin que la Suisse prenne ses responsabilités en matière de droits humains.

La Suisse est la plaque tournante mondiale du raffinage de l’or : environ 70 pour cent de la production totale y est raffinée. Sa législation n’est toutefois pas à la hauteur des enjeux en matière de droits humains. Dans leur enquête, Action de Carême et Pain pour le prochain se sont intéressées à l’exemple de Metalor. L’une des plus grandes raffineries au monde assure respecter les dispositions en vigueur, notamment la Loi sur le blanchiment d’argent et l’Ordonnance sur le contrôle des métaux précieux. Or, « ces lois se bornent à attester l’origine légale de l’or et à en garantir la qualité, mais ne sont pas prévues pour veiller au respect des droits humains », explique Doro Winkler, chargée du dossier « Droits humains » à Action de Carême. En effet, la Confédération laisse aux raffineries le soin de vérifier si ces droits sont respectés, une règle insuffisante selon Doro Winkler : « La protection des droits humains ne peut pas être facultative. »

Les conséquences du caractère volontaire de ces mesures sont flagrantes au Burkina Faso. Action de Carême y a enquêté dans trois mines d’or. La totalité de l’or qui y est extrait est raffiné par Metalor (mine d’Essakane) ou l’a été par le passé (mines de Bissa et de Kalsaka). Leur exploitation a entraîné le déplacement de 14 000 personnes, dont les droits ont été bafoués à plusieurs titres : une grande partie de ces hommes et de ces femmes ont été privées de leurs terres et d’un accès à l’eau potable. Leurs récoltes ont diminué et la faim a augmenté. « Auparavant, nous vivions, aujourd’hui, nous survivons », déplore Florence Sawadogo (nom d’emprunt), maman de 25 ans, l’une des victimes de cette situation. Barthélémy Sam, coordinateur d’Action de Carême au Burkina Faso, fait le constat suivant : « Nous assistons à une « course vers l’or » qui crée de nombreux problèmes socio-économiques, culturels, environnementaux et même politiques.» Et de conclure : « Derrière l’exploitation de l’or se cache le destin de nombreuses femmes et de nombreux hommes. »

L’inscription dans la loi suisse du devoir de diligence pour les multinationales est une question de justice et de dignité. Cette situation interpelle d’autant plus la Suisse qu’elle constitue un site économique attrayant pour les grands groupes. L’initiative « Pour des multinationales responsables » entend combler cette faille dans la législation suisse : elle veut obliger les entreprises à tout faire, à l’étranger également, pour éviter de porter atteinte aux droits humains et à l’environnement. Pour Anne Seydoux-Christe, conseillère aux États, cette exigence tombe sous le sens : « En Suisse, personne n’admettrait que ses droits, ou ceux de ses enfants, soient lésés comme sont lésés ceux d’un nombre inacceptable de personnes dans les pays en développement. » Elle craint les conséquences pour la réputation de notre pays des violations des droits humains commises par des entreprises suisses. « L’initiative est une chance pour notre économie », conclut la politicienne avec conviction. Pour Action de Carême, Pain pour le prochain et Etre partenaires, il est inacceptable que notre économie et notre croissance reposent sur la destruction des moyens de subsistance des populations locales dans les pays du Sud.

Informations complémentaires :

Communiqué – Accessible en ligne au lien ci-dessous.

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