[Communiqué] [Afrique] Déclaration de Port Loko : « Nous voulons récupérer nos terres ! » disent les femmes

Les femmes et l’expansion des plantations industrielles de palmiers à huile

Nous, responsables des groupes de femmes originaires de toutes les régions de la Sierra Leone et de différents pays d’Afrique occidentale et centrale, affectées par l’expansion des plantations industrielles en monoculture, tout particulièrement les plantations de palmiers à huile ;

Nous, organisations nationales et internationales impliquées dans la lutte pour les droits des femmes et des communautés locales en Afrique, en Amérique latine et en Asie, signataires de cette déclaration, nous sommes réunies les 14 et 15 août 2017 à Port Loko, en Sierra Leone.

Considérant le rôle essentiel joué par les femmes pour assurer la subsistance de leurs familles et garantir de la nourriture pour leurs enfants ;

Considérant le rôle essentiel de la terre dans la production de l’alimentation pour les familles ;

Considérant l’importance et la diversité de l’utilisation traditionnelle des palmiers à huile, qui peut aller des matériaux de construction aux médicaments en passant par l’alimentation, qui permettent la fabrication de plus de 30 produits différents d’une grande importance pour les moyens d’existence des femmes ;

Considérant les impacts et les violations des droits humains subis par les femmes, notamment l’augmentation dramatique des violences sexuelles contre les femmes et les enfants qui sont la conséquence des concessions accordées aux entreprises d’huile de palme qui envahissent les territoires des communautés ;

Considérant le devoir des gouvernements de protéger les droits des populations et des femmes, tels qu’inscrits dans plusieurs conventions relatives aux droits humains qui ont été signées ;

Conscients du fait que les femmes jouent un rôle central dans la lutte contre l’accaparement des terres et le pillage de leurs communautés ;

Nous dénonçons :

  • les plantations en monoculture, particulièrement les plantations de palmiers à huile, qui dérobent aux femmes tout ce qu’elles ont en s’emparant des terres agricoles et des forêts dont elles dépendent pour subsister et nourrir leurs familles ;
  • l’expansion des plantations de palmiers à huile, qui entraînent une augmentation importante des prix des aliments locaux en raison de la perte des terres agricoles servant à la production alimentaire et, en conséquence, la nécessité d’importer de la nourriture de régions lointaines, entraînant en outre une menace pour la sécurité alimentaire ;
  • les entreprises qui font miroiter toutes sortes de promesses (comme des écoles ou des hôpitaux) qui ne se réalisent jamais ;
  • l’absence de participation des femmes aux processus de prise de décision liés aux plantations de palmiers à huile, dans la mesure où elles ne sont ni invitées aux réunions ni consultées, et où les femmes dans les pays de la région ne sont même pas autorisées à posséder ou acheter des terres ;
  • que, de ce fait, seuls des hommes participent à ces processus de prise de décisions et que les familles dont aucun membre n’est un homme en sont exclues ;
  • les chefs et les chefs suprêmes qui acceptent des pots-de-vin, ce qui fait que des concessions soient souvent accordées sans l’accord des femmes ni de la communauté dans son
    ensemble ;
  • les entreprises, qui n’emploient pas de main d’oeuvre locale mais font venir des personnes de l’extérieur ou, si elles embauchent localement quelques personnes, établissent une discrimination à leur encontre et ne leur accordent que les postes au bas de l’échelle hiérarchique, avec des conditions de travail précaires, comme les tâches dangereuses liées à l’épandage de produits agrotoxiques sans équipement de sécurité adéquat ;
  • les sociétés de plantations et les membres des familles qui ne considèrent les femmes que comme des manoeuvres ;
  • les horaires prolongés que doivent effectuer les ouvrières et qui mettent en danger leurs enfants ;
  • l’expansion des plantations, qui amène les femmes et les enfants à subir une violence accrue et des violences sexuelles comme des viols et d’autres formes de harcèlement sexuel, avec pour conséquence que les femmes ne peuvent plus circuler librement et ont peur de quitter leurs maisons ou d’aller au travail ;
  • l’intimidation ou la criminalisation des femmes qui dénoncent les impacts des plantations et la violation de leurs droits.

Les femmes demandent :

  • une participation complète des femmes à toutes les décisions concernant les terres. Les femmes veulent que leurs droits de posséder des terres et de prendre les décisions
    concernant ces terres soient respectés ;
  • le droit pour les communautés et les femmes de dire non aux plantations industrielles de palmiers à huile ;
  • le respect des droits des communautés ;
  • le droit pour les femmes de s’exprimer librement ;
  • que les conditions pour céder des terres à des entreprises et que les contrats correspondants soient au moins révisés et que les entreprises tiennent leurs promesses ;
  • Un accès à l’éducation et de plus grandes garanties de sécurité pour leurs enfants la restitution de leurs terres par les entreprises industrielles de plantations ;
  • une protection pour les femmes et les défenseurs des droits humains contre l’intimidation et la violence.

Nous, femmes, nous voulons récupérer nos terres et nos forêts de façon à profiter d’une agriculture qui nous nourrit. Nous voulons un changement qui nous assure des moyens d’existence qui permettent une vie saine et épanouie, dans la dignité, pour nos communautés.
Signataires
Women’s Action for Human Dignity, Sierra Leone
Women’s Forum, Sierra Leone
Human Rights Committee, Sierra Leone
Sabulla Women’s association, Sierra Leone
Women’s Center for Human Rights and Progress, Sierra Leone
Tamaraneh Women’s Association, Sierra Leone
Women’s Initiative Forum for Empowerment (WIFE), Sierra Leone
Advocacy Movement Network, Sierra Leone
Defense for Children, Sierra Leone
Culture Radio, Sierra Leone
Association pour le développement durable et la protection de l’environnement en Guinée (ADAPEGuinée),
Guinée Conakry
Women’s Center for Human Rights and Progress, Sierra Leone
Maluwa Landowners and User Association, Sierra Leone
Surprise Dem Social Club, Sierra Leone
Tamaraneh Women’s Association, Sierra Leone
Munafa Awnie Bom, Sierra Leone
Dimdin Women’s Association, Sierra Leone
Tawopaneh Women’s Association, Sierra Leone
Maluwa Landowners and User Association, Sierra Leone
The Natural Resource Women Platform, Liberia
Sierra Leone Network for the Right to Food (SiLNoRF), Sierra Leone
United for the Protection of Human Rights, Sierra Leone
RADD, Cameroun
World Rainforest Movement
Pain pour le prochain
GRAIN

Voir le communiqué de presse

Photo : RADD

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